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Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/28

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LE RESTE EST SILENCE…

Nous atteignîmes ainsi des allées plantées de gros arbres, et toutes nues, en ce transparent hiver. Des vieillards se chauffaient au soleil pâle qui déclinait, des gens entouraient un kiosque d’où s’échappaient des bouffées bruyantes de musique militaire. Des nourrices promenaient, en se dandinant, des rubans interminables et de prétentieuses coiffures. Nous entrâmes dans notre café habituel, où maman faisait toujours la moue quand il lui fallait y pénétrer. Mon père y demanda, comme toujours, un café-crème, et l’Illustration pour moi.

Assis sur la banquette de moleskine, devant le vaste journal relié de cuir noir, je m’absorbai dans la contemplation des derniers accidents et des carnages les plus actuels. J’obtins un « canard », du temps passa, j’avais achevé de regarder l’Illustration, et j’attendais, en balançant mes jambes qui pendaient de la banquette trop haute, que mon père eût fini sa pipe. Une horloge sonna. Il sortit la monnaie de sa poche, appela le garçon, et nous nous en allâmes.