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Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/29

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LE RESTE EST SILENCE…

Dehors, il tombait une brume fondante et bleue, et, à me sentir loin de maman, dans la rue froide où les becs de gaz avaient des halos d’or, il me vint une de ces profondes tristesses d’enfant que les grandes personnes ne comprennent point. Il me semblait voir dans le brouillard s’ouvrir le porche béant de cet apocalyptique collège où ma famille rêvait de m’engouffrer. J’eus envie de pleurer, et, crispant ma faible menotte en filoselle sur la solide poigne de mon père, je demandai, d’une voix implorante :

— Dis, papa, tu ne me mettras pas au collège ?

— Pourquoi ? répondit-il, d’une voix un peu rude.

— Oh ! je ne veux pas y aller encore !

— Ça dépendra de toi, mon gaillard : si tu es bien sage, bien obéissant, si tu n’as pas de caprices comme tu en as eus à midi, si tu manges ta viande et que tu travailles bien, tu n’iras pas… Sinon, tu auras beau m’implorer, ça ne traînera pas ! Cric, crac…

Il imita de la main le geste que l’on fait