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Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/43

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LE RESTE EST SILENCE…

de T, retenus au tablier par de grosses chaînes. J’aimais beaucoup ce quartier de travail invisible et de silence, peut-être à cause de l’eau dormante, qui croupissait entre les quais de pierre, plutôt peut-être pour ces deux ponts d’allure fantastique, dont la forme mystérieuse me troublait et qui dressaient leurs échafauds de songe dans la vapeur du soir, comme afin de guillotiner les derniers rayons d’or, qui s’allongeaient en frémissant au-dessus des toits.

Nous trouvâmes mon père, dans son petit bureau vitré, qui, à gauche de la porte, commandait de profonds hangars, qui sentaient les épices. Il semblait triste et soucieux. Quand il leva la tête et qu’il nous aperçut, toute sa figure s’éclaira.

Il sortit en hâte, nous embrassa et s’extasia sur la joie que nous lui faisions.

— Venez dire bonjour aux employés, déclara-t-il, triomphant.

Ma mère refusait généralement une telle proposition ; cette fois-ci, elle accepta, sans protester. Nous passâmes dans une autre