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Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/42

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LE RESTE EST SILENCE…

de blanc ou de vert, elles se soudaient à leurs reflets mobiles, faisaient corps avec eux. Plusieurs étaient allongées sur les dalles huileuses, pêle-mêle avec des charretons dételés et des poutres mal équarries.

De grandes maisons noires et jaunes, que surmontait une haute cheminée, fermaient le fond de la rue. La fumée se délayait dans le ciel, mêlée à des nuages frottés d’orange et de soufre. Toutes ces façades étaient semblablement rébarbatives, anciennes et sombres, tachées de linges qui pendaient à leurs fenêtres. Des rez-de-chaussée, servant de magasins, avaient des portes brunes et rondes, à marteaux rouillés. On apercevait, par les vitres verdies, de vastes salles, vides ou encombrées de tonneaux. Tout avait un air abandonné, solitaire, vétuste et triste, comme si le commerce, qui se faisait là, ne se fût entrepris qu’avec des morts ou avec des ombres.

Nous franchîmes le canal, sur un antique pont de bois, en dos d’âne, qui avait des montants terminés par des barres en forme