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Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/54

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LE RESTE EST SILENCE…

du côté paternel l’avait prise avec elle pour l’élever. Son père habitait alors avec sa sœur, mais il se toqua d’une actrice, partit à sa suite et on ne le revit plus. Il mourut longtemps après, à Alexandrie, dans la misère. Ma mère parlait de lui avec sympathie ; ce n’était pas un méchant homme, mais il était léger, faible, insouciant, et il aimait follement le plaisir. Sitôt qu’il avait un peu d’argent, il courait acheter du champagne et des friandises. Il disait que le bon vin est plus nécessaire à l’homme que la viande. Il ne pouvait pas supporter l’ennui, ce qui fut l’origine de ses malheurs, et je crois qu’en ceci ma mère lui ressemblait, et peut-être aussi en bien d’autres choses…

Elle demeura donc seule avec mademoiselle Beleoudy, qui était une personne des plus curieuses, fort honnête, mais romanesque et la cervelle farcie d’extravagances, d’histoires d’amour et de trésors cachés, lectrice assidue de feuilletons dramatiques, ayant, malgré une situation très médiocre, des goûts de luxe et de dépense et l’amour éperdu du théâtre, très raisonnable au fond,