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LE RESTE EST SILENCE…

et la sécurité, et qui ont fermé derrière eux, à jamais, la porte bienheureuse !


Notre maison formait un coin ; on voyait en face un boulevard qui entrait en plein faubourg populaire. Nous entendions, l’été, des cris d’enfant, — les soirs de fêtes, des chants d’ouvriers et des flons-flons de danse. Cela sentait la foule anonyme et humble, le travail, la tristesse, la sueur. Quand ma bonne me conduisait sur les trottoirs inégaux, le long des murs décrépits de fabriques où tremblaient des lambeaux bariolés d’affiches, j’étais heurté, bousculé, par des gamins turbulents qui jouaient à la marelle, par des femmes qui se disputaient, des hommes en blouse. L’odeur de fumée d’usine, d’huile grasse et de métallurgie, je la respirais sur les bourgerons, les vestons crasseux, qui me frôlaient. L’humanité passait par grands lambeaux, avec ses gais enfants, ses travailleurs misérables et que rongeait l’alcool, ses faces hâves, creusées, brûlantes, obstinées et soucieuses, ses ménagères maigries ou