Aller au contenu

Page:Jaloux - Le triomphe de la frivolité, 1903.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dre, tant on sentait de délabrement dans cet organe si près de se taire. La toux était pourtant moins fréquente qu’avant la rechûte.

J’écrivis donc aux quelques fidèles que j’ai cités tantôt et à M. du Pontaut-Chaley, un vieux personnage bizarre, dogmatique et solennel, qu’elle aimait je ne sais trop pourquoi et qui était son cousin. Ce M. du Pontaut-Chaley vivait comme Barbe-Bleue dans une grande et vieille maison pleine de robes ; il y en avait de toutes formes et de toutes nuances, et qui provenaient des trois derniers siècles ; ces étoffes pendues derrière des vitres, avec leurs jupes dégonflées, leurs corsages plissés, leurs paniers ou leurs schalls, lui faisaient une singulière compagnie de fantômes et lui donnaient une terreur constante : celle des mites. Aussitôt qu’il parlait, il vous entretenait des luttes qu’il avait à soutenir contre elles, de ses embuscades et de leurs guet-apens. Peut-être Madame de Pleurre appréciait-elle M. du Pontaut-Chaley de conserver pieusement les souvenirs de cette mode fugitive dont elle devait garder le culte elle-même jusqu’à ses derniers moments ; ou bien, comprenait-elle par lui, qu’il y a une part d’immortalité dans les choses les plus futiles, les plus quotidiennes et les plus passagères ? Et certes, aucune pensée ne pouvait maintenant lui offrir une plus délicate consolation. J’ai su depuis que dans son testament, elle avait légué ses plus belles robes à son cousin, et je les ai revues au fond du salon de ce doux maniaque, occupant la place d’honneur, les unes claires et comme allégées de dentelles, les autres fleuries de larges corolles de couleur, celles-ci, blanches