Quand elle fut seule, Mme Pioutte frissonna et cacha sa tête dans ses mains :
— Je suis entre les mains d’un misérable, se dit-elle. Et Charles m’a affreusement trompée. Ah ! Dieu me punit de mes mensonges ! Mais comment a-t-il pu être au courant ?… Qui sait si ce qu’il m’a dit de Charles est bien vrai ? Ce qui est certain, c’est que si je n’accomplis pas ma promesse, il dira tout à mon frère !… Ah ! venir à bout de tant de difficultés pour échouer au port ! Comment peut-il savoir ?… J’ai eu tort d’agir ainsi… Si mon pauvre mari voyait tout cela ! Quelle débâcle ! Tant pis ! Il faut sauver Charles… Après tout, cet Augulanty ne fera peut-être pas un très mauvais mari, et il aura une assez jolie situation… Virginie peut bien l’épouser ! Elle pourrait tomber plus mal !
Elle avait déjà sacrifié Cécile à Charles, elle allait s’efforcer dorénavant de lui sacrifier Virginie.
XVI
DANS LEQUEL MATHENOT EST AIDÉ PAR SA CHANCE,
LE HASARD OU LA PROVIDENCE,
SELON LA CONVICTION DU LECTEUR
Mathenot, plongé dans ses réflexions comme un sanglier dans sa bauge, ne pouvait détacher de son esprit le portefeuille de M. Augulanty. Il y pensait tout le jour, il le voyait dans ses rêves, et il en sortait des papiers multicolores qui proclamaient tous la honte d’Augulanty, les crimes d’Augulanty, la défaite d’Augulanty. Ces images hantaient la pensée du prêtre ; elles déterminaient sa volonté et ses désirs. Le même raisonnement, à leur suite, troublait Mathenot :
— Je me trouve en face de deux faits simples et en apparence sans rapport : l’intimité d’Augulanty et de Mme Pioutte et l’importance du portefeuille d’Augulanty. Or, l’intimité de ces deux personnages est quelque