chose d’absurde, en dehors de toute donnée logique. Il faut pour l’expliquer un motif spécial et incompréhensible. Pourquoi ce motif ne serait-il pas enfermé dans le portefeuille d’Augulanty ? Étant en meublé, Augulanty, pour plus de sûreté, porte ses papiers sûrement sur lui, mais depuis qu’il a failli les perdre, il doit les laisser chez lui, persuadé que nul n’ira les y chercher…
De là à former le plan d’y aller soi-même, il n’y avait qu’un pas. Mathenot se proposa de faire chez Augulanty une petite perquisition. S’il ne trouvait rien, tant pis, il en serait pour sa peine, et voilà tout. Afin d’atténuer vis-à-vis de sa conscience ce qu’une telle action avait de répréhensible, Mathenot se rappelait que la grandeur du but en excusait les moyens, qu’il servait la cause de Dieu et qu’il s’agissait d’arracher un pensionnat religieux aux mains d’un libertin, d’un hypocrite et d’un athée.
Ayant appris par hasard, un jeudi, que M. Augulanty passait la journée à Aix, l’abbé Mathenot partit pour les Chartreux.
Au numéro 5 du boulevard Meyer, Mathenot trouvait la pension d’Augulanty, une maison de deux étages et de trois fenêtres de façade, avec un bar à la porte. Deux femmes causaient au seuil, une vieille, en cheveux gris, et une jeune commère, qui allaitait un enfant, sans crainte de montrer dans leur nudité les doubles fruits de sa gorge puissante que le bébé semblait vouloir déshabiller tout entière, tant il écartait la laine du corsage de ses mains mignonnes et crispées.
L’abbé Mathenot baissa les yeux, avec une modestie indignée de tant d’impudeur, et demanda M. Augulanty. La vieille lui répondit qu’il était absent.
— Viendra-t-il bientôt ?
— Je ne pourrai pas dire à monsieur. Il ne m’a rien dit en partant.
Mathenot parut très ennuyé. Il déclara qu’il tenait à le voir et qu’il avait à lui parler. « Comment faire ? répétait-il, d’un air sombre. Ne pourrais-je pas l’attendre un moment chez lui ? » Augulanty laissait toujours sa clef à la logeuse, pour lui permettre de nettoyer sa chambre. Elle ne vit pas de difficultés à la confier à ce prêtre, qui