au cœur pour défier le temps et que leur passion ne connaîtrait ni les automnes désolés, ni les hivers pénibles, qui suivent la splendeur des étés. Plus ivres d’eux-mêmes, et de leur propre pensée, que de la présence de l’être, qui, pour chacun, semblait tout, ils se serraient les mains, avec démence, comme ceux qu’un voyage va séparer demain.
Le temps harcelait les amants et enfonçait dans leurs oreilles la vrille obsédante et douloureuse de son tic tac, qui rappelle si cruellement aux hommes la lugubre échéance de la vie, la note finale à payer. Ils unirent à la hâte leurs bouches, dans un long, dans un fiévreux baiser où ils voulaient s’absorber mutuellement, se fondre l’un dans l’autre, et s’anéantir dans quelque chose d’infini.
Quelques pas légers glissèrent de nouveau dans le corridor. Ils se quittèrent avec un déchirement et une sensation de mortelle tristesse ; le monde, encore une fois, venait les séparer et leur rappeler qu’on ne peut jamais, jamais, y être deux et que l’on a seulement le droit d’y vivre, en même temps, seul et en foule !
Ils se jetèrent, en s’éloignant, ce regard avec lequel les amants se quittent, dans les ports, quand le navire, qui les désapparie, lève l’ancre, ce regard, si amer, si angoissé et si surchargé d’acuité, de puissance et de douleur, que nous avons l’impression d’y dépenser toute notre force de vision et qu’ensuite nous ne verrons plus rien.
Andréa reparut en riant :
— Vous n’avez pas confiance en moi, vous êtes trop loin l’un de l’autre, ce n’est pas naturel ! Elle secoua gaiement les étincelles de sa perruque blonde.
Ils la suivirent dans une salle à manger, très coquette, où le thé était servi.
— Savez-vous, dit tout à coup Sylvestre, en riant, Charlemagne veut me marier !
Il avait baptisé, du nom de Charlemagne, son père qui possédait une fort belle barbe blanche, toute frisée. Virginie devint pâle comme la nappe.
— De quoi avez-vous peur, Virginie ? dit Legoff. Pour