Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/161

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Bonsignour en profita pour glisser un coussin dans le dos de son ami et lui fourrer un tabouret sous les pieds. Il souffrait de voir les gens mal installés.

— Allons, disait-il, prend tes aises, fais comme chez toi ! Arrange-toi confortablement. — Voyons, as-tu quelque chose à me demander, est-ce un service que je peux te rendre ?

— C’est cela, chuchota Théodore.

— Eh ! mon Dieu ! ne te fais donc pas de bile, Théodore ! Nous sommes sur la terre pour quatre jours, ce n’est pas la peine de nous les empoisonner ! Tu sais que si tu me demandes un service que je puisse te rendre, c’est comme si c’était déjà fait !

— Merci, merci, dit Barbaroux, ému, je reconnais bien là ta sûre et bonne amitié.

— Est-ce de l’argent qu’il te faut ?

L’abbé Barbaroux fit oui, de la tête, sans parler.

— Combien ?

— J’ose à peine te le dire. C’est une si grosse somme !

— Dis tout de même.

L’abbé ouvrit la bouche, avec une affreuse contraction, comme s’il allait vomir, et, de cet effort énorme, il sortit une voix tremblante, avec ces mots :

— Cinq mille francs !

— N’est-ce que cela ? s’écria joyeusement Bonsignour. Tiens, tu as failli m’inquiéter ! Allons, mon vieux, ne te fais pas tant de bile, tu les auras, tes cinq mille francs.

— Ah ! merci ! s’écria Barbaroux en serrant la main de Bonsignour, tu me sauves la vie ! Ce n’est pas précisément pour moi, cet argent, tu comprends, mais pour quelqu’un des miens… Je ne peux rien te dire. Ah ! comme je le regrette ! J’aurais tant besoin de dégonfler mon cœur ! Il y a des secrets qui vous étranglent… Enfin, je dois me taire ! Ah ! Bonsignour, Dieu envoie de rudes épreuves à ses fidèles. Heureusement qu’il nous donne la grâce de pouvoir les supporter ! Et d’ailleurs, je n’ai pas à me plaindre ! Si ceux qui… Je veux dire certaines personnes sur qui on comptait… enfin, des parents nous causent des déceptions, du moins, on retrouve ses amis. Que n’accepterait-on pas quand on en a un