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Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/186

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de grandes affiches sur les murs : « Jeunes filles à marier, épousez toutes M. Augulanty ! » Ou bien, on lira à la dernière page des journaux : « Le meilleur des maris est le mari Augulanty. L’essayer, c’est l’adopter. Bon chrétien, bon époux, bon professeur. Ne déteint pas. Facile à emporter, même en voyage. Agiter avant de s’en servir. Spécialement destiné à l’usage int… »

Emportée par sa verve, Virginie répétait des fragments d’annonces retenues au hasard et sans trop y réfléchir. Voyant tout à coup dans quelle phase malencontreuse elle s’embarquait, elle s’arrêta court et rougit, puis partit d’un grand éclat de rire.

— Tu vas bien, tu vas bien ! fit Mme Pioutte, scandalisée. Ah ! tu feras bien de te marier vite, toi aussi… Voyons, réponds-moi sérieusement. Épouserais-tu M. Augulanty ? Je tiens absolument à ce mariage, entends-tu, ab-so-lu-ment.

Elle regarda sa fille avec anxiété. Virginie trouva superflu de résister plus longtemps. Sylvestre ne tarderait pas à venir la prendre. Elle pouvait promettre à sa mère, sans rien risquer.

Elle répondit, d’une voix lasse, comme si elle renonçait à la lutte :

— Allons, maman, ne te désole pas ! Je plaisante, voilà, j’aime à plaisanter, mais si tu y tiens tant que ça, on l’épousera, ton Augulanty. Va, pleure pas, sèche tes écluses…

Et elle souriait tranquillement, heureuse de ce secret qu’elle portait en elle.

— Ce que je vais faire révolutionnera tout le monde ici, pensait-elle, il y a longtemps que j’y réfléchis, et nul ne s’en doute ; pas un mot, pas un geste, pas un regard n’a permis à maman de savoir que je garde un projet aussi redoutable. Nous sommes là, quelques mètres à peine séparent nos deux cerveaux, et elle ne peut rien en connaître. Comme on est fermé en soi ! C’est drôle !

— Pourquoi ris-tu, Virginie ? dit Mme Pioutte.

— Je pense, maman, répondit-elle, avec un sourire ambigu, que la vie est une chose bizarre… Dire que je m’appellerai peut-être un jour Mme Augulanty !