Dernièrement, ma chère petite, j’ai vu chez mon amie, Mme Hampy, son neveu, M. Caillandre, un jeune homme bien distingué. Sa tante m’a avoué qu’il cherchait à se marier et qu’ayant peu de connaissances il la chargeait de lui trouver une femme. J’ai aussitôt pensé à vos filles. Ce M. Caillandre a trente-cinq ans, il est caissier au Crédit Parisien, où il gagne six mille francs par an. Son père avait cet emploi avant lui. Il voudrait une jeune fille bien élevée et qui ait des principes. Et, chose à signaler, il ne tient pas à l’argent, il ne demanderait pas de dot, si la jeune fille lui convenait sous tous les autres rapports. Enfin, j’ai cru comprendre qu’il ne lui déplairait pas d’avoir une jolie femme. Je dois avouer qu’il n’est pas beau…
— La beauté ne fait pas le bonheur, déclara doucement Mme Pioutte.
— Maintenant, ma chère petite, c’est à vous de continuer. Je n’y vais pas par quatre chemins. Si l’affaire vous convient, c’est à vous d’y donner suite. Je n’ai pas besoin de vous dire que je vous suis tout acquise pour ce qui pourrait dépendre de moi. Si, pour une raison ou pour l’autre, ce mariage ne vous plaît pas, n’en parlons plus et dites-le-moi carrément. Je ne m’en froisserai pas. Si cela réussit, tant mieux, j’aurai fait mon devoir et peut-être contribué au bonheur d’une enfant bien chère à mon cœur…
— Avez-vous déjà parlé d’elle ? demanda Mme Pioutte.
Mme Maubernard eut un haut-le-corps indigné.
— Oh ! je ne me serais jamais permis de la nommer sans vous consulter d’abord. Pour les renseignements, vous pouvez vous adresser, soit à M. Médizan, directeur du Crédit Parisien, soit à M. l’abbé Tacussel, vicaire aux Réformés, qui est un ami de la famille. Parlez de M. Caillandre à Cécile, consultez votre frère, et quand vous aurez décidé quelque chose, venez me voir…
— Vous dites qu’il prendrait une jeune fille sans dot ?
— Je crois pouvoir être en mesure de l’affirmer, assura prudemment Mme Maubernard.
Mme Pioutte réfléchissait. Elle voyait dans le hasard de ce projet de mariage une sorte d’événement provi-