Page:Jaloux - Les sangsues, 1901.djvu/27

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dentiel, et une lumière lente, qui pénétrait dans son esprit, y précisait un projet audacieux, paru brusquement, lorsque Mme Maubernard avait vanté le désintéressement de son protégé et affirmé qu’il ne cherchait pas l’argent.

— Mon Dieu, fit Mme Pioutte, à tout hasard, ce n’est pas que mes filles soient sans le sou. Mon frère a toujours parlé de faire quelque chose…

Elle prêtait bien gratuitement cette promesse à son frère qui ne lui en avait jamais parlé. Mais son plan tout entier reposait sur le don de cette dot encore hypothétique, et Mme Pioutte semblait assurer à l’avance plus de succès à son entreprise hasardeuse, en attribuant à l’abbé Barbaroux un projet dont le sien dépendait absolument.

Elle sentit que l’heure de l’attendrissement était venue. Elle laissa tomber le petit paquet d’os de ses doigts dans la large main molle de Mme Maubernard, qui s’ouvrit pour les recevoir.

— Ma bonne, ma chère amie, s’écria-t-elle, d’une voix pathétique, comme je retrouve encore votre amitié toujours sûre, toujours fidèle. Croyez bien que je n’oublierai jamais tout ce que vous avez fait pour nous. Cette nouvelle preuve de bonté, de dévouement, de…

Mais Mme Maubernard interrompit son amie.

— Ma parole ! vous allez me faire rougir. Non, ne me remerciez pas. Ce que je fais là est tout naturel. Oubliez-vous que vous êtes ma vraie famille ? Je serai si heureuse de les voir mariées, ces chères petites. Mais, pour en revenir au côté pratique de la question, entendons-nous bien. Le parti peut paraître excellent à première vue, il n’est pas dit, pour cela, qu’il vous convienne. L’abbé Barbaroux a peut-être des projets plus brillants pour sa nièce… Cécile peut avoir des raisons pour ne pas épouser M. Caillandre…

— Bah ! lesquelles !

— Sait-on jamais ? Votre fille a peut-être quelqu’un dans l’idée…

Mme Pioutte hocha la tête en signe de négation.

— N’affirmez rien, fit Mme Maubernard, avec vivacité, Vous l’ignorez… Les jeunes filles sont si cachottières. Si Cécile avait le désir d’épouser quelqu’un qui lui plaise, vous n’en sauriez rien. Les parents sont toujours