semblaient pas ? Assez dévot, il assistait à la messe tous les dimanches, communiait quatre fois l’an, pour Pâques, la Pentecôte, l’Ascension et la Noël, et faisait partie de plusieurs sociétés de bonnes œuvres. Patriote chauvin, dans ses conversations avec sa fiancée, il parlait fréquemment des destinées de la France. Il se déclarait républicain (à condition d’avoir une république d’honnêtes gens), libéral (il n’aurait pas supporté qu’on touchât au suffrage universel) et antisémite (il ne se servait jamais dans les magasins juifs). Enfin, il s’exprimait avec chaleur sur la famille, le devoir, la conscience de l’homme intègre, la foi et l’indissolubilité du mariage.
Entre elles, Cécile et Virginie l’appelaient M. Tout-le-Monde. Il arriva cependant que M. Tout-le-Monde parut vouloir prendre une personnalité. Il devint réellement amoureux de sa fiancée, et cet amour lui révéla un côté de lui-même qu’il était le premier à ignorer. Cécile avait fait sur lui une impression violente, le jour de leur rencontre au Jardin Zoologique. Persuadé qu’une jeune fille aussi belle ne voudrait jamais d’un homme tel que lui, il s’était efforcé de l’oublier. Quand il se sut agréé, il se laissa aller à l’amour, et cette tendresse, qui ne lui parut qu’un caprice quand elle commença, était devenue une passion, avant que Caillandre eût songé à en restreindre l’intensité. La manière dont il s’éprit de Cécile l’étonna. Il avait vécu jusqu’alors dans une grande indifférence pour les femmes. Celle-ci lui donna des émotions qu’il ignorait, ardentes, étranges, inattendues. Il lui tint quelques discours qu’il jugea brillants, et il fit diverses choses qui lui parurent des folies, mais qui ne l’étaient que par comparaison avec l’état de raison somnolente où il avait vécu jusqu’alors.
Les fiançailles de Cécile et de M. Caillandre ne durèrent qu’un mois. Ils étaient aussi pressés d’en finir l’un que l’autre. Dans les derniers jours de mars, on fit la lecture du contrat. Mme Pioutte fut terrifiée à la pensée que son frère viendrait peut-être l’écouter. Mais l’abbé, occupé par ses examens trimestriels, et, au surplus, se déchargeant de tous ces soins sur sa sœur, ne se souciait guère d’y assister, n’étant ni témoin, ni tuteur de Cécile,