Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/19

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jeune fille qu’ils avaient eu le malheur de perdre. C’était une personne des plus recommandables, — elle avait fait admirablement l’affaire jusqu’à sa mort, dont le grand contretemps, justement, n’avait pas laissé d’autre alternative que de mettre le petit Miles au collège. À partir de ce moment, Mrs Grose avait fait de son mieux pour veiller aux bonnes manières de Flora et ne la laisser manquer de rien. En outre il y avait une cuisinière, une femme de chambre, une fille de ferme, un vieux poney, un vieux palefrenier et un vieux jardinier, tout cela éminemment recommandable.

Douglas en était là de son récit, quand on lui posa cette question :

« Et de quoi cette première institutrice était-elle morte ? De tant de respectabilité ? »

La réponse ne se fit pas attendre.

« Cela viendra à son heure. Je ne veux pas anticiper.

— Pardonnez-moi. Je croyais que c’était justement ce que vous étiez en train de faire.

— À la place du successeur, suggérai-je, j’aurais désiré savoir si la situation entraînait…

— Un danger de mort, — Douglas compléta ma pensée — Oui, elle désira le savoir, et elle le sut, en effet, comme vous l’apprendrez demain. En attendant, les choses lui parurent, il est vrai, se présenter sous un jour un peu inquiétant. Elle était jeune, intimidée, inexpérimentée, il s’ouvrait devant elle une perspective de graves devoirs, dans un entourage fort restreint. Elle allait, en somme, au-devant d’une grande solitude. Elle hésita pendant deux jours, elle réfléchit, elle prit conseil. Mais le salaire offert dépassait tout ce qu’elle pouvait espérer, et après une seconde entrevue, elle signa son engagement. »

Douglas fit une pause dont je profitai pour lancer cette remarque, au plus grand bénéfice de la société :

« La morale de tout ceci est que le beau jeune homme exerçait une séduction irrésistible, à laquelle elle succomba. »