Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/26

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franchement et bravement à ce sujet ; elle nous avait laissé, sans aucun signe de malaise, — avec véritablement la douce et profonde sécurité d’un ange de Raphaël, — en discuter, l’admettre et nous y soumettre. Une part de ma sympathie pour Mrs. Grose venait du plaisir que je lui voyais éprouver devant mon admiration et mon émerveillement, tandis que j’étais assise avec mon élève devant un souper de pain et de lait, éclairé de quatre hautes bougies, l’enfant en face de moi sur sa haute chaise, en tablier à bavette. En présence de Flora, naturellement, il y avait bien des choses que nous ne pouvions nous communiquer que par des regards joyeux et significatifs, ou des allusions indirectes et obscures.

« Et le petit garçon, lui ressemble-t-il ? est-il aussi très remarquable ? »

Il ne convenait pas, ainsi que nous nous l’étions déjà dit, de flatter trop ouvertement les enfants.

« Oh ! mademoiselle, des plus remarquables ! Vous trouvez cette petite-là gentille… » et elle se tenait debout, une assiette à la main, regardant avec un sourire rayonnant la petite fille, dont les doux yeux célestes allaient de l’une à l’autre de nous, sans que rien en eux nous portât à cesser nos louanges.

« Eh bien ! si, en effet, je trouve…

— Vous allez être « emballée » par le petit monsieur.

— Il me semble vraiment que je ne suis venue ici que pour cela… pour « m’emballer » sur tout. Je crois cependant reconnaître, ajoutais-je, comme malgré moi, que je m’emballe un peu trop facilement. À Londres, aussi, je me suis emballée ! »

Je vois encore le large visage de Mrs. Grose, tandis qu’elle pénétrait le sens de mes paroles.

« À Harley Street ?

— À Harley Street !

— Eh bien ! mademoiselle, vous n’êtes pas la première, et vous ne serez pas la dernière, non plus.

— Oh ! répondis-je, en réussissant à rire, je n’ai pas la