Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/31

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rendre plus présente à mon esprit, en lui en faisant part, je continuai :

« Parce qu’il ferait du mal aux autres. »

À ces mots, avec un de ces brusques sursauts des gens simples, elle s’enflamma subitement :

« Mr. Miles ? Lui, faire du mal ? »

Il y avait un tel accent de bonne foi dans ses paroles, que bien que je n’eusse pas encore vu l’enfant, je me sentis poussée — et par ma crainte même — à trouver en effet cette pensée absurde. Abondant aussitôt dans le sens de mon amie, je soulignai, sarcastiquement :

« Faire du mal à ses pauvres petits camarades innocents !

— C’est trop affreux, s’écria Mrs. Grose, de dire de cruautés pareilles ! Mais il a dix ans à peine !

— Mais oui. C’est impossible à croire. »

Elle me fut évidemment reconnaissante de cette déclaration.

« Voyez-le d’abord, mademoiselle, et croyez cela après si vous voulez ! »

De nouveau, je me sentis une grande impatience de le voir. Un sentiment de curiosité s’éveillait en moi, qui devait pendant les heures suivantes, croître jusqu’à la souffrance.

Mrs. Grose, je m’en aperçus, vit l’impression qu’elle m’avait faite, et insista avec assurance.

« Vous pourriez en dire autant alors de la petite demoiselle. Dieu la bénisse ! ajouta-t-elle, regardez-la ! »

Je me retournai : à la porte ouverte, Flora, que j’avais installée, dix minutes auparavant, dans la salle d’études, avec une feuille de papier blanc, un crayon et une belle copie de beaux « ô » biens ronds à me faire, Flora se présentait à notre vue. Avec ses petites manières enfantines, elle montrait un détachement extraordinaire pour ce qui l’ennuyait. Mais cependant, son regard, plein de ce grand rayonnement lumineux de l’enfance, semblait donner simplement comme explication de sa conduite l’affection