Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/32

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qu’elle avait conçue pour moi, et qui l’avait forcée de me suivre. Que fallait-il de plus pour me faire sentir toute la justesse de la comparaison de Mrs. Grose ? Aussi je serrai mon élève dans mes bras, en la couvrant de baisers auxquels je mêlai un sanglot de pénitence. Néanmoins, tout le reste du jour, je guettai l’occasion de joindre ma collègue, d’autant plus que, vers le soir, il me sembla qu’elle cherchait à m’éviter. Je la rattrapai, je m’en souviens, dans l’escalier ; nous descendîmes ensemble, et, arrivée à la dernière marche, je la retins en posant ma main sur son bras.

« Je conclus, n’est-ce pas, d’après ce que vous m’avez dit ce matin, que vous ne l’avez jamais vu se mal conduire ? »

Elle rejeta la tête en arrière : manifestement, elle avait, à cette heure, pris le parti de se composer une attitude.

« Oh ! … jamais vu… ! je ne prétends pas cela ! »

De nouveau, je me sentis extrêmement troublée.

« Alors, vous l’avez vu ?…

— Mais oui, mademoiselle, Dieu merci ! »

Après réflexion, je ne protestai point contre cette réponse.

« Vous voulez dire qu’un garçon qui, jamais…

— Ce n’est pas ce que j’appelle un garçon. » Je la serrai de plus près.

« Vous aimez cet entrain des mauvais sujets… »

Puis, anticipant sa réponse :

« Moi aussi, déclarai-je passionnément, mais pas au point de contaminer…

— De contaminer ?

Ce grand mot l’égarait : je le lui expliquai.

— De corrompre, veux-je dire. »

Elle ouvrit de grands yeux quand, à la fin, elle comprit. Et cela la fit rire, d’un rire singulier :

« Craignez-vous qu’il vous corrompe vous-même ? »

Elle me posa la question avec une belle humeur si hardie que je me mis, pour toute réponse, à rire aussi, un