Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

confondue — pour ne pas dire outragée — à l’idée du sous-entendu de l’horrible lettre que je tenais sous clé dans un tiroir de la chambre.

Aussitôt que je pus, dans le privé, échanger quelques mots avec Mrs. Grose, je lui déclarai que c’était grotesque.

Elle me comprit immédiatement.

« Vous voulez parler de cette affreuse accusation…

— Elle ne tient pas debout. Ma chère dame, regardez-le donc ! »

Elle sourit à ma prétention de découvrir son charme.

« Je ne fais pas autre chose, je vous assure, mademoiselle ! Qu’allez-vous dire, alors ? ajouta-t-elle immédiatement.

— En réponse à cette lettre ? »

Mon parti était pris.

« Rien du tout.

— Et à son oncle ? »

Ma réponse fut sèche.

« Rien du tout.

— Et au petit lui-même ? »

Je ne me reconnaissais plus.

« Rien du tout. »

Elle s’essuya vivement le visage avec son tablier.

« Alors, je vous soutiens. Nous irons jusqu’au bout !

— Nous irons jusqu’au bout, » répétai-je ardemment, comme un écho. Et je lui tendis la main pour sceller notre contrat. Elle me la retint un moment… puis, de nouveau, le tablier remonta vivement vers son visage.

« M’en voudriez-vous, mademoiselle, si je prenais la liberté…

— De m’embrasser ? Oh non ! — Et je saisis la bonne créature dans mes bras, et après nous être embrassées comme deux sœurs, je me sentis plus énergique et plus indignée que jamais.

Les choses en restèrent là pendant un certain temps. Mais un certain temps si rempli que, pour discerner