Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/35

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IV

Fort heureusement pour les préoccupations qui me tourmentaient, à juste titre, ce geste impertinent ne pouvait arrêter la croissance de notre estime mutuelle. Après que j’eus ramené le petit Miles à la maison, nous nous rencontrâmes plus intimement que jamais, sur le terrain de ma stupéfaction, de mon émotion ; de l’émotion qui me secouait toute, tellement il me semblait monstrueux qu’on pût mettre en interdit un enfant tel que celui dont je venais de faire la connaissance. Je m’étais mise un peu en retard pour aller le prendre, et il se tenait à la porte de l’auberge où la diligence l’avait déposé, attendant pensivement mon arrivée : je sentis instantanément, à sa vue, que cette même éclatante fraîcheur, ce même véritable parfum de pureté que j’avais, dès le premier moment, respiré auprès de sa sœur, l’environnaient et le pénétraient aussi ; il était incroyablement beau, et Mrs. Grose avait dit vrai : en sa présence, tout sentiment s’abolissait, pour ne plus laisser place qu’à une sorte de tendresse passionnée.

Ce qui, sur-le-champ, me prit le cœur, fut quelque chose de divin que je n’ai jamais rencontré au même degré chez aucun autre enfant : un indescriptible petit air de ne rien savoir de ce monde, hors l’amour. On ne pouvait porter une mauvaise réputation avec une grâce plus innocente, et lorsque j’atteignis Bly avec lui, je me sentais absolument