Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/38

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eussent été de petites altesses, des princes du sang autour desquels pour être dans l’ordre, tout doit être enclos, discipliné et arrangé, la seule forme d’existence que mon imagination voyait les années futures leur apporter, était dans un prolongement romantique, et vraiment royal, de leurs jardins et de leur parc. Il se peut, bien entendu, que ce soit surtout au choc qui, subitement, brisa tout, que soit dû le charme de paix profonde qui, rétrospectivement, pare, à mes yeux, cette première période. Elle m’apparaît comme noyée dans le mystère où les choses se préparent et se rassemblent : le changement qui se produisit fut exactement semblable au bondissement d’un fauve.

Les premières semaines s’étaient écoulées pendant la saison des longs jours : souvent, à leur plus beau moment, j’avais pu jouir de ce que j’appelais « mon heure à moi », l’heure pendant laquelle, les enfants ayant pris leur thé et ayant été se coucher, je pouvais m’accorder un bref entracte avant de me retirer moi-même. Quelle que fût mon affection pour mon entourage, cette heure était le moment que je préférais. Et ce que je préférais à tout, c’était, quand le jour tombait, — je devrais dire plutôt : quand il s’attardait et que les derniers appels des derniers oiseaux s’échangeait dans les vieux arbres sous le ciel enflammé, — c’était de faire un tour dans les parterres et de jouir, avec un sentiment de propriétaire qui me flattait et m’amusait, de la noblesse et de la beauté de ces lieux. C’était un plaisir de me sentir là, tranquille, ayant une tâche à remplir ; sans doute, c’en était un, aussi, de penser que ma discrétion, mon simple bon sens et, d’une façon générale, la correction et l’élévation de mon caractère faisaient plaisir — si elle y pensait jamais — à la personne au désir de qui j’avais cédé. Ce que je faisais maintenant c’était ce qu’il avait ardemment désiré, ce qu’il m’avait demandé dès le premier abord, et que je fusse capable de le faire me causait une joie plus grande même que je n’avais osé l’espérer. Je m’apparaissais sans doute, à mes