Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/43

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V

Ce n’était pas que je m’attendisse à ce que les choses en restassent là, car j’étais hors de moi-même aussi bien qu’émue. Y avait-il un secret à Bly ? Un mystère d’Udolphe, ou quelque parent aliéné, ou scandaleux séquestré dans une cachette insoupçonnée ? Je ne saurais dire combien de temps, partagée entre la curiosité et la terreur, je demeurai là où le coup m’avait été porté. Je me rappelle seulement que, lorsque je rentrai dans la maison, la nuit était tout à fait venue. Dans l’intervalle, j’avais certainement été la proie d’une agitation qui m’avait entraînée à mon insu, car j’avais dû faire trois milles, en tournant presque sur place. Je devais plus tard connaître des angoisses tellement pires, que je puis dire que mon inquiétude — elle n’en était, ce jour-là, qu’à son aurore — ne me causait qu’un frisson tout humain. Ce qu’il y avait de plus bizarre dans mon inquiétude — d’ailleurs l’aventure entière l’avait été — me fut révélé quand je rencontrai Mrs. Grose dans le hall. Dans le flot de mes souvenirs, cette image revient : l’impression que je reçus, à mon retour de ce lieu brillamment éclairé, si vaste, avec ses panneaux blancs, ses portraits et son tapis rouge, — et du bon regard étonné de mon amie, qui me dit immédiatement que je lui avais beaucoup manqué. À son contact, je me sentis intimement persuadée que, dans sa simple cordialité, elle avait éprouvé une inquiétude très naturelle,