Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/44

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qui s’apaisa à ma vue, et ne savait absolument rien qui eût un rapport quelconque avec l’incident que je tenais là, tout prêt pour elle. Je n’avais pas prévu que sa bonne figure me remettrait d’aplomb, et je mesurai, en quelque sorte, la gravité de ce que j’avais vu, à l’hésitation que j’éprouvais à le raconter. Presque rien, dans toute cette histoire, ne me paraît si singulier que mon double sentiment d’alors : une sensation de vraie peur qui commençait à m’envahir, marchant de pair si je puis dire, avec l’instinct d’épargner ma compagne.

En conséquence, là, sur-le-champ, dans ce hall accueillant, et sous son regard, il s’accomplit en moi — pour une raison que j’eusse été alors bien en peine d’exprimer — une révolution intérieure : je donnai un vague prétexte à mon retard, et, invoquant la beauté de la nuit, l’abondante rosée et mes pieds mouillés, je m’en allai aussi vite que possible dans ma chambre.

Là, ce fut une autre affaire ; là, pendant bien des jours, ce fut une assez drôle d’affaire. Il me fallait quotidiennement, à certaines heures, — du moins à certains moments, et cela au détriment de mes devoirs les plus élémentaires, — il me fallait aller m’enfermer dans ma chambre, pour y réfléchir. Ce n’était pas tant que mon état nerveux excédât ma force de résistance : mais j’éprouvais une crainte extrême d’en arriver là, car la vérité, qu’il me fallait maintenant contempler sous toutes ses faces, était, simplement et clairement, que je ne pouvais, en aucune façon, identifier le visiteur avec lequel j’étais entrée en rapport d’une façon si inexplicable, et, cependant, à ce qu’il me semblait, si intime. Je m’étais vite rendu compte qu’il ne me serait pas difficile de percer à jour une intrigue domestique, sans même mener d’enquête formelle, sans éveiller de soupçons. Le choc que j’avais subi avait dû aiguiser mes facultés : au bout de trois jours, après avoir simplement observé les choses de plus près, je fus convaincue que les domestiques ne m’avaient ni trompée, ni prise pour but d’une plaisanterie et que, quel