Mrs. Grose tint une minute ses yeux fixés à terre : puis, les relevant enfin :
« Comment le savez-vous ? me dit-elle.
— Vous admettez donc qu’elle l’est ? m’écriai-je.
— Dites-moi comment vous le savez ? répéta-t-elle simplement.
— Comment je l’ai su ? En la voyant ! À sa façon d’être.
— À sa façon de vous regarder, voulez-vous dire, si vicieusement ?
— Ma foi non ! cela j’aurais pu le supporter. Elle ne m’a pas jeté un coup d’œil : elle fixait seulement la petite. »
Mrs. Grose essaya de se représenter la scène.
« Elle la fixait ?
— Avec quels yeux effrayants ! »
Elle me dévisagea comme si les miens eussent pu leur ressembler.
« Ses yeux exprimaient l’aversion, voulez-vous dire ?
— Plût à Dieu… non… beaucoup pire !
— Pire que l’aversion ? »
Elle n’y comprenait plus rien.
« Avec des yeux d’une détermination incroyable, indescriptible, qui exprimaient une sorte d’intention furieuse. »
Cela la fit pâlir.
« Comme une intention ?
— Une intention de s’emparer d’elle. »
Les yeux de Mrs. Grose rencontrèrent les miens un instant, elle frissonna et marcha vers la fenêtre. Et tandis qu’elle s’y tenait, regardant au-dehors, je terminai mon récit :
« Voilà ce que sait Flora. »
Peu après, elle se retourna :
« Cette personne était en noir, m’avez-vous dit ?
— Elle était en deuil, un deuil assez pauvre, presque râpé. Mais — oui vraiment — une beauté extraordinaire. »
Je comprenais maintenant où, pas à pas, j’avais amené