Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/71

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la victime de ma confidence : car, visiblement, ces derniers mots la frappèrent particulièrement.

« Oui, vraiment belle, insistai-je, étonnamment belle. Mais infâme. »

Elle s’approcha lentement de moi.

« Miss Jessel… était infâme. »

De nouveau, elle prit ma main entre les siennes, la tenant serrée comme pour me fortifier contre l’accroissement de frayeur qu’une telle révélation pouvait me causer. « Ils étaient infâmes, tous deux, » dit-elle finalement.

Et une fois de plus, nous regardâmes la vérité en face, un peu de temps. Et ce me fut vraiment un secours de voir maintenant les choses sous leur véritable jour.

« J’apprécie à sa valeur, lui dis-je, l’extrême pudeur qui, jusqu’ici, vous a empêché de parler. Mais l’heure est certainement venue de me révéler tout. »

Elle sembla acquiescer à mes paroles, mais néanmoins toujours en silence. Ce que voyant, je continuai :

« Il faut me le dire maintenant. De quoi est-elle morte ? Allons, il y avait quelque chose entre eux.

— Il y avait… tout.

— En dépit de la différence ?…

— De leurs classes, oui, de leurs conditions. — Elle en faisait douloureusement l’aveu. — Elle était, elle, une dame. »

Je rêvai là-dessus, et je compris.

« Oui, repris-je, elle était une dame.

— Et lui, tellement au-dessous d’elle ! » dit Mrs. Grose.

Je sentis qu’il était inutile, en pareille compagnie, d’insister sur la place qu’occupe un domestique dans l’échelle sociale ; mais rien ne m’empêchait d’accepter le taux auquel ma compagne évaluait la déchéance de miss Jessel. Il y avait la manière, et je l’eus, d’autant plus aisément que j’avais nettement devant les yeux la vision —