Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/72

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trop réelle — du valet particulier qui avait été au service de notre patron. Intelligent, oui, et beau garçon : mais, aussi, impudent, plein d’assurance, gâté, dépravé.

« Cet individu était une brute. »

Mrs. Grose réfléchit comme si c’était un peu une affaire de nuances.

« Je n’ai jamais vu personne comme lui, il faisait ce qu’il voulait.

— D’elle ?

— D’eux tous. »

C’était maintenant comme si miss Jessel eût apparu aux yeux mêmes de mon amie. À moi aussi, pour un instant, elle parut aussi distincte que lorsque je l’avais vue auprès de l’étang, et je déclarai avec une grande décision :

« C’était sans doute qu’elle le désirait aussi. »

Le visage de Mrs. Grose signifia quelle l’avait désiré, sans doute, mais elle ajouta :

« Pauvre femme ! elle l’a bien payé !

— Alors vous savez de quoi elle est morte ? demandai-je.

— Non, je ne sais rien, je désirais ne rien savoir, j’étais bien contente de n’avoir rien su, et je remercie le ciel qu’elle fût hors d’ici !

— Cependant vous aviez alors votre idée ?

— Quant à la vraie cause de son départ ? Pour cela, oui ! Elle ne pouvait pas rester. Pensez donc, une institutrice, — ici même ! Plus tard, je m’imaginai — je m’imagine encore… et ce que je m’imagine est affreux.

— Pas si affreux que ce que je m’imagine, moi ! » répliquai-je. Et, sans doute, je lui laissai voir — car ma conviction n’était que trop profonde — une physionomie empreinte du sentiment de la plus amère défaite. Alors, encore cette fois, elle me témoigna la plus touchante compassion, et à cette nouvelle démonstration de bonté, toute ma force de résistance m’abandonna : je fondis en larmes — tout de même que je l’avais fait fondre, elle,