Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/75

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IX

C’était vrai, en somme, ce que j’avais dit à Mrs. Grose : il y avait dans cette affaire des abîmes, des possibilités, que je n’avais pas le courage de sonder ; de sorte que, lorsque une fois de plus, après que nous nous fûmes unies dans ce sentiment de stupeur que nous inspirait toute l’aventure, nous reconnûmes d’un commun accord qu’il était de notre devoir de résister aux fantaisies extravagantes d’imagination. Il fallait au moins garder son sang-froid, si tout le reste nous échappait, — bien que cela fût difficile devant ce qui, dans cette prodigieuse aventure, semblait le moins discutable.

Tard dans la soirée, alors que toute la maison était plongée dans le sommeil, nous causâmes de nouveau dans ma chambre ; et elle alla jusqu’à reconnaître, sans doute aucun, que j’avais vu, réellement vu, ce que j’avais vu.

Pour l’en convaincre formellement, je n’avais qu’à lui demander comment, si j’avais inventé l’histoire, il m’avait été possible de faire de chacune des personnes qui m’étaient apparues un portrait révélant dans les moindres détails les signes particuliers, portraits à l’exhibition desquels elle les avait instantanément reconnus et nommés. Elle désirait, naturellement, — on ne pouvait le lui reprocher, — étouffer toute l’histoire, et je me hâtai de l’assurer que l’intérêt que j’y portais moi-même avait pris