Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/83

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X

Et j’attendis. J’attendis, et les jours, en passant, emportaient un peu de ma consternation. De fait, un très petit nombre de ces jours — pendant lesquels je ne quittai pas mes élèves de vue, et qui furent d’ailleurs dépourvus d’incidents — suffirent pour passer sur les rêveries amères, et même sur les odieux souvenirs, comme un coup d’éponge. J’ai parlé de la fascination de leur extraordinaire grâce enfantine comme d’un sentiment auquel je me sentais intimement sollicitée de m’abandonner, et l’on peut croire si je négligeai d’aller quérir à cette source le baume désiré. Mon effort pour lutter contre la lumière qui se faisait dans mon cerveau était plus étrange que je ne puis dire. Cependant la tension eût été plus grande encore si le succès ne l’eût pas si fréquemment récompensée. Je me demandais souvent comment mes petits élèves ne devinaient pas que je pensais d’eux de singulières choses ; le fait que ces singulières choses les rendaient plus intéressants encore ne m’aidait pas à les conserver dans l’ignorance. Je tremblais qu’ils ne s’aperçussent combien plus immensément intéressants ils étaient devenus. En tout cas, même en mettant les choses au pire, ainsi que je n’y étais que trop encline, toute ombre jetée sur leur innocence — pauvres petites créatures prédestinées ! — ne constituait qu’une nouvelle raison d’aller au-devant des responsabilités.