Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/86

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don merveilleux de se rappeler et de répéter ce qu’il avait entendu. Le piano de la salle d’études résonnait de mille fantastiques improvisations, et, à défaut de musique, c’était des conciliabules dans les coins, puis l’un d’eux, au comble de l’animation, disparaissait pour revenir sous un aspect nouveau. J’avais eu moi-même des frères, et ce n’était pas une révélation pour moi que l’esclavage idolâtre des petites filles envers les petits garçons. Ce qui était plus surprenant, c’était qu’il y eût au monde un garçon qui éprouvât tant de considération pour un âge, un sexe et une intelligence inférieurs. Ils étaient extraordinairement unis, et dire qu’ils ne se plaignaient jamais l’un de l’autre, ni ne se disputaient, n’est que donner une louange bien grossière à leur exquise intimité. Quelquefois, peut-être, — quand je me laissais aller à une défiance vulgaire, — je découvrais chez eux des traces de petits complots grâce auxquels l’un me tenait occupée pendant que l’autre s’échappait. Dans toute diplomatie il y a, je suppose, un côté naïf, et si mes élèves se jouaient de moi, c’était sûrement avec le minimum de vilenie ; mais alors, ce fut dans l’autre région que la vilenie se manifesta.

Je vois bien que je m’attarde ; mais enfin il me faut faire mon horrible plongeon. En poursuivant le récit de ce que je vis de hideux à Bly, non seulement je mets à l’épreuve les plus généreuses confiances, — de cela je me soucie peu, — mais (et ceci est autre chose) je renouvelle mon ancienne souffrance ; de nouveau, je suis jusqu’au bout la terrible route. Il vint, soudainement, une heure après laquelle, quand je regarde en arrière, tout me paraît n’avoir plus été que douleur ; mais me voici enfin au cœur du drame, et, pour achever ma tâche, le mieux est, sans doute, de marcher franchement.

Un soir, — rien ne vint m’avertir, rien ne me conduisit là, — un soir, de nouveau, je sentis passer sur moi ce souffle glacé du premier soir de mon arrivée. La sensation, la première fois, avait été beaucoup plus légère, et elle ne m’aurait sans doute laissé aucun souvenir, mon séjour