Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/91

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XI

Je demeurai quelque temps en haut de l’escalier, et, peu à peu, pénétra dans mon intelligence la notion que, mon visiteur étant parti, il n’était réellement plus là. Puis je retournai dans ma chambre. La première chose qui frappa ma vue, à la lumière de la bougie que j’avais laissée allumée, fut que le petit lit de Flora était vide ; et ceci me coupa net la respiration, et me frappa de toute la terreur que, cinq minutes auparavant, j’avais réussi à maîtriser. Je bondis là où je l’avais laissée couchée, — le petit couvre-pieds de soie et les draps étaient dérangés, — les rideaux blancs avaient été soigneusement tirés dans le but de me tromper ; au bruit de mes pas — quel inexprimable soulagement ! — un autre bruit répondit : je remarquai que le store de la fenêtre remuait, et l’enfant, baissée comme pour jouer, émergea toute rose, de l’autre côté. Elle se tenait là, avec sa toute petite chemise de nuit et sa très grande candeur ; ses pieds étaient roses, et ses cheveux d’or brillant. Elle avait un air intensément grave, et, jamais encore, je n’avais ressenti de telle façon l’impression de perdre un avantage récemment acquis (cet avantage dont le frisson vainqueur avait été si prodigieux), que lorsque j’eus compris qu’elle m’adressait ce reproche : « Méchante que vous êtes, où avez-vous été ? » Au lieu d’accuser son indiscipline, c’était moi qui me trouvais sur la sellette, et qui donnait des explications.