Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/92

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D’ailleurs, ses propres explications à ce sujet étaient pleines de la simplicité la plus charmante et la plus animée. Elle s’était soudainement rendu compte que je n’étais plus là, et avait sauté de son lit pour voir ce que j’étais devenue. Saisie de joie en la revoyant, je tombai sur une chaise, sentant pour la première fois un peu de faiblesse, et elle courut gentiment jusqu’à moi, grimpant sur mes genoux, livrant à la pleine lumière de la bougie son merveilleux petit visage encore gonflé de sommeil. Je me vois, fermant les yeux un instant, exprès, volontairement, devant l’excès de beauté que me versaient ses prunelles bleues.

« Vous cherchiez à me voir à travers la fenêtre ? dis-je. Vous pensiez que je me promenais dans le jardin ?

— Eh bien ! vous savez… je pensais qu’il y avait quelqu’un. » Elle me décocha cette phrase toute souriante, sans broncher. Ah ! comme je la regardais !

« Et avez-vous vu quelqu’un ?

— Ah ! non ! » répliqua-t-elle. Privilège de l’inconséquence enfantine, elle semblait en être presque fâchée, bien qu’à sa légère accentuation du « non » se mêlât une douceur prolongée.

À ce moment, et dans mon état nerveux, j’étais convaincue qu’elle mentait et je fermai les yeux de nouveau, dans mon trouble d’avoir à choisir parmi les trois ou quatre réponses qui me venaient à l’esprit. L’une me tenta un instant, avec une force si singulière, que, pour y résister, je serrai ma petite fille d’une étreinte furieuse, qu’elle subit, d’une façon surprenante, sans un cri ou un signe de frayeur. Pourquoi ne pas m’expliquer avec elle, et en finir ? Pourquoi ne pas lui lancer tout en plein visage, le ravissant et lumineux petit visage ?

« Vous voyez, vous voyez — vous ne pouvez nier que vous voyez — vous soupçonnez déjà que je le crois. Alors pourquoi ne pas vous confesser franchement, de sorte qu’au moins nous puissions porter le secret ensemble ? et,