Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/97

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XII

Ce ne fut que tard dans la journée du lendemain que je parlai à Mrs. Grose, car le soin que je mettais à ne pas perdre mes élèves de vue me rendait difficiles les entretiens privés avec elle ; d’autant plus que chacune de nous sentait la nécessité de ne provoquer — tant chez les domestiques que chez les enfants — aucun soupçon d’une secrète agitation ou de la poursuite d’un mystère. Rien que son aspect paisible me donnait une grande sécurité à ce sujet. Son visage reposé ne révélait rien à personne de mes horribles confidences. Elle me croyait complètement, j’en étais sûre. Si elle ne l’eût fait, je ne sais ce que je serais devenue, car je n’aurais pu, seule, supporter une telle épreuve. Mais elle rendait un magnifique témoignage à cette bénédiction qu’est l’absence d’imagination, et ne voyant dans les enfants que leur charme et leur beauté, leur aspect heureux et leur intelligence, les causes de mon souci ne lui étaient pas directement sensibles. Si la moindre trace d’abattement ou de flétrissure se fût révélée chez les petits, sans doute, son trouble eût égalé le leur, en sachant la source malsaine ; mais, dans l’état actuel des choses, je sentais — tandis qu’elle les surveillait, ses gros bras blancs croisés et la sérénité répandue sur toute sa personne — qu’elle remerciait le Seigneur de ce que, ses trésors fussent-ils en miettes, les morceaux, au moins, en seraient encore bons. La flamme de la fantaisie