Page:James - Le Tour d’écrou (trad. Le Corbeiller), 1968.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de n’alarmer personne de la maison. Je lui avais déjà laissé entendre mon peu d’espoir d’arriver — en dépit de sa réelle sympathie — à lui faire saisir mon impression devant la magnifique inspiration avec laquelle, lorsque nous fûmes rentrés à la maison, le gamin accueillit mon défi, enfin nettement articulé. Aussitôt que j’étais apparue, au clair de lune, sur la terrasse, il s’était avancé vers moi sans hésiter ; je lui avais pris la main sans rien dire ; je l’avais mené, à travers l’obscurité, le long de cet escalier où Quint avait rôdé, tout affamé de sa présence, — le long du couloir où j’avais écouté et tremblé, — et ainsi, jusqu’à sa chambre désertée.

Pas un son, chemin faisant, n’avait été proféré par aucun de nous, et je m’interrogeais — oh ! combien je me dévorais ! — pour savoir si, dans son effrayant petit esprit, il cherchait une explication qui fût plausible et pas trop grotesque. Cela lui donnerait du mal, certainement, et cette fois-ci, à l’idée de son réel embarras, un frémissement de triomphe courut dans mes membres. Le piège était habilement tendu à un gibier jusqu’ici vainqueur. Il ne pourrait plus affecter cette parfaite correction, — ni même s’y essayer. Alors, comment diable allait-il se tirer de là ? À la vérité, en même temps que la pulsation passionnée de cette question, battait aussi dans mes veines la silencieuse angoisse de savoir comment diable je ferais, moi aussi. Je me trouvais enfin affronter dans toute sa rigueur le risque que comportait, même encore maintenant, l’exécution de ma propre partie.

De fait, je me rappelle que, tandis que nous pénétrions dans sa petite chambre, dont le lit n’était pas défait, et où la fenêtre ouverte, laissant librement passer les rayons de la lune, rendait la chambre si claire qu’il était inutile de frotter une allumette, — je me rappelle comment, subitement, je défaillis, et me laissai tomber sur le bord du lit, vaincue par cette idée qu’il devait savoir, maintenant, combien vraiment il m’« avait eue », comme on dit. Armé de sa vive intelligence, il ferait tout ce qu’il voudrait