Page:James - Les Papiers de Jeffrey Aspern, paru dans le Journal des débats, 1920.djvu/98

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Et je pris mon chapeau, que j’avais posé sur une chaise. Nous étions toujours tous deux debout, assez gauchement, au beau milieu de la sala. Elle avait laissé la porte de son appartement ouverte derrière elle, mais ne m’avait pas mené de ce côté.

Un spasme étrange contracta ses traits quand elle me vit prendre mon chapeau.

— Immédiatement ? Voulez-vous dire aujourd’hui même ? Son ton était tragique : c’était un cri de douleur.

— Oh non ! je resterai aussi longtemps que je pourrai vous être de quelque utilité.

— Eh bien ! juste un jour ou deux encore ! juste deux ou trois jours, haleta-t-elle. Puis, se maîtrisant, elle reprit avec une tout autre manière : « Elle désirait me dire quelque chose le dernier jour — quelque chose de très personnel. Mais elle ne le put pas. »

— Quelque chose de très personnel ?

— Quelque chose concernant encore les papiers.

— Et avez-vous pu deviner ? Avez-vous une idée ?

— Non, j’ai bien essayé de découvrir son intention, mais je ne sais pas. J’ai pensé à toutes sortes de choses.

— Par exemple ?

— Eh bien ! que si vous étiez un parent, ce serait tout différent.

Je cherchai à comprendre : « Un parent ?

— Si vous n’étiez pas un étranger, alors nous serions, vous et moi, sur le même pied. Tout ce qui est à moi serait à vous, et vous en feriez ce que vous voulez. Je ne pourrais pas vous en empêcher, et vous ne seriez responsable de rien.

Elle débita cette drôle d’explication avec une hâte nerveuse, et comme si elle récitait des paroles apprises par cœur. Elles me donnèrent l’impression d’une subtilité dont je ne saisis pas toute la portée au premier moment ; mais, aussitôt