Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/154

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sections le droit d’apprécier si tel individu qui se présente est digne oui ou non d’être admis dans leur soin.

« Spichiger. C’est comme ouvrier manuel que je désire dire un mot sur la question en discussion. Je ne pense pas que les travailleurs manuels auraient raison de repousser ceux qu’on appelle les travailleurs de la pensée. Voyons en effet la situation économique actuelle et les causes qui l’ont amenée. Sous le régime moderne de la liberté du commerce et de l’industrie, ç’a d’abord été chez les bourgeois une course au clocher pour arriver à la fortune ; au début cela allait bien : avec de l’instruction et du travail chacun pouvait se flatter de parvenir. Mais la centralisation des capitaux est venue, et avec elle se sont ruinées les espérances de la petite bourgeoisie ; le résultat, c’est que cette petite bourgeoisie ouvre les yeux, et reconnaît que la cause de sa ruine c’est la mauvaise organisation de la société actuelle et qu’il faut détruire cette organisation. Ces gens-là sont donc forcés, par la fatalité économique, de venir à nous ; ils deviennent révolutionnaires autant et plus que les ouvriers eux-mêmes, et, étant plus instruits, ils peuvent rendre de grands services à notre cause. On peut craindre, il est vrai, qu’ils n’acquièrent trop d’influence parmi nous ; mais c’est aux ouvriers à savoir lutter contre cette influence en ce qu’elle a de mauvais, et à la neutraliser ; chaque section d’ailleurs reste libre de n’admettre des bourgeois que dans les limites où elle le jugera convenable. Il serait très fâcheux que le parti socialiste se trouvât partagé en deux corps ; il ne pourrait en résulter qu’un antagonisme qui serait fatal aux ouvriers. Si tous les ouvriers manuels étaient réunis et prêts à résoudre les problèmes sociaux, j’admettrais cependant qu’ils voulussent marcher seuls et s’en remettre à leurs propres forces ; mais nous n’en sommes pas là, malheureusement ; nous ne sommes encore qu’une minorité, et il ne faut pas que nous divisions nos forces. En conséquence, je voterai pour l’article 2. »

Au vote, l’amendement Dumartheray obtint deux voix, celles de Dumartheray et de Perrare ; il y eut six abstentions (Eccarius, Hales, Manguette, Cornet, Cyrille, Viñas) ; tous les autres délégués votèrent contre. L’amendement Manguette obtint deux voix, celles de Manguette et de Cornet ; il y eut cinq abstentions (Eccarius, Hales, Cyrille, Dumartheray, Perrare) ; tous les autres délégués votèrent contre. L’article 2 eut contre lui quatre voix négatives, celles de Dumartheray, Perrare, Cornet et Manguette ; il y eut deux abstentions, Eccarius et Cyrille ; tous les autres délégués votèrent pour : l’article se trouva donc adopté à l’unanimité des fédérations.

L’ensemble des statuts fut ensuite mis aux voix : à l’unanimité les délégués émirent un vote affirmatif, sauf Dumartheray et Perrare, qui s’abstinrent. Les statuts furent donc adoptés par l’unanimité des fédérations.

Voici le texte des statuts généraux revisés :


STATUTS GÉNÉRAUX
de
l’association internationale des travailleurs
revisés par le Congrès général de Genève (1873).


Considérant :

Que l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ; que les efforts des travailleurs pour conquérir leur émancipation ne doivent pas tendre à constituer de nouveaux privilèges, mais à établir pour tous les mêmes droits et les mêmes devoirs ;

Que l’assujettissement du travailleur au capital est la source de toute servitude : politique, morale, et matérielle ;

Que, pour cette raison, l’émancipation économique des travailleurs est