Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/207

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cond, le Congrès décida qu’il serait imprimé aux frais de la Fédération jurassienne comme brochure de propagande[1]. Une proposition de la Section de Neuchâtel, de publier le Bulletin dans les deux langues française et allemande, parut impossible à réaliser ; mais le Congrès autorisa le Comité fédéral à publier, à titre d’essai, une feuille volante en langue allemande, destinée à faire la propagande des principes socialistes parmi les ouvriers allemands de la région jurassienne. La Section de Neuchâtel recommandait en outre un rapprochement entre la Fédération jurassienne et l’Arbeiterbund, et le Congrès vota à l’unanimité une résolution portant « qu’il réitérait au Schweizerischer Arbeiterbund l’assurance que la Fédération jurassienne pratiquera la solidarité économique envers tous les groupes de travailleurs qui luttent contre le capital, et prêtera son concours à toutes les entreprises qui seront conformes aux principes généraux de l’Internationale, quelle que soit l’organisation ouvrière qui en prenne l’initiative ».

Il y eut, le dimanche 20, à trois heures, un grand meeting où fut traitée la question des grèves ; et, le soir, tous les délégués et un grand nombre de socialistes de la Chaux-de-Fonds et des localités du voisinage se réunirent en un banquet fraternel, à la brasserie des Éplatures.

La Section de la Chaux-de-Fonds, dans sa séance du 2 mai, élut les membres suivants pour former le Comité fédéral jurassien : Numa Brandt, horloger, secrétaire correspondant ; Élie Imboden, dessinateur, secrétaire des séances ; Frédéric Graisier, graveur, caissier ; Fritz Heng, graveur, archiviste ; Tell-Émile Ginnel, horloger, assesseur. Le 27 juillet, Zélim Rickly et J.-B. Baudrand remplacèrent Imboden et Ginnel.


Revenons en arrière, pour parler de Bakounine, et de ce qui se passa à la Baronata du mois d’octobre 1873 au mois de mai 1874. Voici le passage du Mémoire justificatif qui décrit l’état de la maison et de ses habitants au moment où Bakounine y rentra, revenant de Berne, et pendant l’hiver qui suivit :


Lorsqu’au mois d’octobre dernier [1873] je retournai de Berne à la Baronata, je trouvai cette dernière en pleine débauche. J’y trouvai installée la sainte famille Nabruzzi : lui[2], sa mère, et une demoiselle très difficile à classer ; en outre deux Espagnols[3], un de nos amis italiens les plus chers[4], et Fanelli. La dépense ordinaire, dirigée par la sainte famille, était énorme. C’était à frémir.

L’appel de Nabruzzi avec sa mère, comme intendant et comme gouvernante de la Baronata, motivé par beaucoup de raisons étrangères à cette dernière et bien connues de Cafiero, avait été résolu entre nous deux. Ce fut un choix tout à fait malheureux... Le gouvernement de Nabruzzi et de sa mère nous a coûté beaucoup d’argent. Cafiero sait tous mes efforts, toutes les tempêtes que je fis pour diminuer les dépenses. Rien n’y faisait. Nabruzzi se contentait d’aligner les comptes de sa plus belle écriture, mais sans la moindre critique et sans le moindre contrôle. Enfin nous éloignâmes Mme  Nabruzzi et la demoiselle[5]. Nous changeâmes le service de la

  1. Voir plus loin, p. 195.
  2. Lodovico Nabruzzi, qui devait, quelques mois plus tard, se brouiller avec Bakounine et avec les socialistes révolutionnaires italiens.
  3. Je ne sais pas qui étaient ces Espagnols ; peut-être Farga et Viñas, après le Congrès de Genève, s’étaient-ils rendus à Locarno avant de rentrer en Espagne.
  4. Cette périphrase désigne Costa.
  5. Nabruzzi lui-même fut congédié à son tour, mais un peu plus tard (au printemps de 1874, je ne sais pas à quel moment au juste) ; il se retira à Lugano. Ce fut la raison de l’attitude hostile qu’il prit désormais à l’égard de Cafiero et des autres révolutionnaires italiens.