Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/281

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Mais, s’il essaya de chapitrer son vieil ami sur la question de l’emprunt, Emilio ne réussit pas à le détourner de son projet ; et il dut, en retournant à Locarno, accepter de Bakounine la mission de remettre de sa part une lettre à Cafiero, et de chercher à négocier auprès de celui-ci un emprunt de mille francs. Il ne se pressa point de s’acquitter de ce mandat. Le 2 décembre, Bakounine, s’étonnant de son silence, lui écrit (en français) : « Donne-moi donc des nouvelles de l’emprunt dont tu as bien voulu te faire l’intermédiaire » ; et le 6 décembre : « Je t’ai demandé, et je te redemande des nouvelles de l’emprunt de mille francs dont tu as bien voulu te faire l’intermédiaire auprès de Cafiero. Où en sommes-nous ? A-t-il dit oui ou non ? Il m’importe beaucoup de le savoir au plus vite. » Le 7 décembre, Emilio se décide à répondre ; il écrit (en français) : « Il faut que je te dise de suite que je n’ai pas cru devoir entamer la question d’emprunt avec Cafiero. Lorsque après mon retour de Lugano j’allai à la Baronata, j’y trouvai un tel changement d’habitudes que j’hésitai à consigner [remettre] la lettre. Cafiero, tout en conservant une grande bonté, est devenu d’une originalité qui m’était encore inconnue ; il est tout à fait dominé par les idées de Ross et de Mme Lipka [Olympia Koutouzof], qui ne sont pas de tes amis, je pense. Enfin le bon vieux Pezza lui-même, qui avait pour Carlo l’affection d’un père, a été bien affligé de voir son ami entrer dans une voie si excentrique... Voilà pourquoi je pensais qu’il serait fort désirable pour toi de trouver ailleurs l’argent dont tu dois avoir besoin ; » et Bellerio annonce qu’il va chercher à conclure un emprunt pour Bakounine avec l’aide de son beau-frère, l’avocat Félix Rusca.

Bakounine écrit de nouveau (en français), le 9, pour expliquer qu’il ne saurait rien voir de contraire à sa dignité dans le fait d’emprunter de l’argent à Cafiero : « Après m’avoir jeté à l’improviste dans une position impossible, après m’avoir laissé à Bologne sans argent, après m’avoir appelé à Splügen,... c’est tout au moins s’il devait, non par un don, mais par un prêt, me donner la possibilité de sortir d’une affreuse impasse ; et il l’avait si bien promis qu’il m’avait déclaré en présence d’autres ci-devant amis, à Neuchâtel, que du moment que je trouverai un répondant, toi ou un autre, qui lui garantira le paiement à terme désigné, — tu vois qu’il ne s’agit pas d’amitié, — il me prêtera sur une lettre de change, signée par moi et contre-signée par toi ou par un autre individu solvable, non mille francs, mais trois mille francs ; c’était une affaire arrangée, et je suis presque fâché que tu aies renoncé à lui rappeler sa promesse en lui donnant ma lettre. Je t’engagerais même, si tu ne l’as pas déchirée, de la lui donner, soit en mains, soit en la lui envoyant accompagnée d’un billet explicatif de ta part... Voilà mon sentiment, cher ami. Après cela, fais comme tu croiras toi-même de pouvoir et de devoir faire. Je m’en remets absolument à ta décision. Dans tous les cas, j’ajouterai que j’ai la quasi-certitude de pouvoir payer la somme que tu auras empruntée pour moi, de Cafiero ou d’un autre, avant le mois de novembre 1875... Tu dis que Ross est mon ennemi. Eh bien, sache que Ross n’est pas du tout de cette opinion. En veux-tu une preuve ? Sache donc qu’aujourd’hui même j’ai reçu de lui une lettre... Il