Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/289

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c’est lui qui nous conduira dans ce combat cruel, mais nécessaire ». Van Bevoren jura fidélité au drapeau rouge au nom des Gantois : « C’est pour lui que nous combattrons jusqu’à ce qu’il ait été planté d’une main ferme dans un sol détrempé de sang, et qu’il flotte triomphalement sur le monde entier comme signe d’affranchissement de la classe travailleuse ».


Des nouvelles de Hollande nous furent données par une lettre de notre digne camarade H. Gerhard, d’Amsterdam, qui, depuis 1872, restait toujours vaillamment sur la brèche. Voici ce qu’il nous écrivit, en date du 7 mars (Bulletin du 14 mars 1875) : « Vous croyez sans doute l’Internationale en Hollande presque morte, parce que nous ne donnons guère signe de vie. Il est vrai que nous n’agissons pas beaucoup, et que les choses pourraient aller mieux qu’elles ne vont. Le mouvement ouvrier chez nous est momentanément dirigé par les radicaux bourgeois, car les comités des travailleurs se laissent influencer par ces messieurs. Je n’ai pas besoin de vous dire ce que ces messieurs prêchent : c’est tout comme chez vous. J’ai appris par le Bulletin que vous avez en Suisse un monsieur Bleuler-Hausheer ; eh bien, nous autres nous avons plusieurs Bleuler-Hausheer... Les ouvriers hollandais ne croient guère à l’efficacité des moyens proposés par ces messieurs, coopération, éducation, impôt progressif, etc. : mais, malgré cela, ils semblent vouloir en essayer... Je crois, pour mon compte, qu’en définitive la voie qu’on suivra sera la Révolution, c’est-à-dire la levée en masse des prolétaires prenant de vive force toutes les terres, mines, vaisseaux, fabriques, machines, enfin tous les instruments de travail, et expropriant les propriétaires actuels... Mais on comprend l’embarras que doivent éprouver les travailleurs en présence des conseils que leur donnent les radicaux bourgeois, dont quelques-uns sont peut-être sincères, et combien il leur est difficile de distinguer clairement ce qu’ils ont à faire : mais je suis convaincu que les circonstances elles-mêmes viendront tôt au tard à notre aide, pour nous montrer le bon chemin. »


À partir de janvier 1875, notre Bulletin qui, grâce à l’agrandissement de son format, pouvait donner plus de place aux nouvelles de l’extérieur, publia régulièrement chaque semaine une correspondance d’Angleterre, signée de l’initiale « D. » : c’était Paul Robin[1] qui nous l’envoyait. Ses lettres étaient généralement intéressantes, et nourries de petits faits caractéristiques ; mais il n’est guère possible d’en tirer des appréciations d’ensemble, des vues générales.

Eccarius avait représenté, au Congrès général de Bruxelles de 1874, une section de l’Internationale existant à Bethnal Green (Londres) ; je ne sais s’il y avait encore, en 1875, dans le Royaume-Uni, d’autres sections de notre Association ; en tout cas, leur activité semble avoir été nulle. Quant au mouvement des Trade Unions, il continuait à se traîner dans l’ornière accoutumée ; au Congrès annuel des Trade Unions, qui eut lieu du 18 au 23 janvier 1875 à Liverpool, Cremer[2], délégué de l’Union des charpentiers et menuisiers, ayant accusé les députés au Parlement Macdonald et Burt d’avoir trahi les intérêts du travail, fut expulsé du Congrès ; les délégués décidèrent de réclamer l’abrogation du Conspiracy Act (loi sur les coalitions), et votèrent une résolution favorable à l’établissement de conseils locaux de conciliation et d’arbitrage entre les patrons et les ouvriers.

L’événement le plus important du premier semestre de 1875 fut le grand lock out du Pays de Galles qui, depuis le commencement de janvier, mit sur le pavé 120.000 mineurs, auxquels s’ajoutèrent bientôt 30.000 métallurgistes ; malgré l’appui financier des Trade Unions, qui versèrent plus de cent mille francs par semaine pendant près de quatre mois, les ouvriers furent vaincus :

  1. Robin était devenu professeur suppléant, pour l’enseignement de la langue française, à l’École militaire de Woolwich.
  2. C’est celui qui était venu en septembre 1867, avec Odger, au Congrès de l’Internationale à Lausanne et au Congrès de la paix à Genève (tome Ier, pages 41, 42, 54, etc.)