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son manifeste adressé au Congrès de Bruxelles) qu’elle n’enverrait pas de délégués. La proposition fut soumise aux fédérations, et le résultat de cette consultation se trouve consigné en ces termes dans les procès-verbaux du Comité fédéral jurassien (séance du 8 septembre 1875) : « Communication du Bureau fédéral, nous annonçant que les Sections de Hollande, de Belgique, d’Amérique, d’Italie, et la Fédération jurassienne, ont accepté le renvoi du Congrès de 1875, proposé par la Fédération espagnole ; en outre il nous fait remarquer que les Anglais y ont ajouté l’idée de tenir un Congrès secret en Suisse, qui émettrait un manifeste sur la situation de la classe ouvrière au moment actuel. La Section de propagande de Genève, qui ne fait partie d’aucune fédération, est la seule qui demande la réunion du Congrès général. »

En Portugal, l’Internationale n’existait plus : mais il y avait un mouvement socialiste, qui se manifesta, dans l’été de 1875, par la création d’un journal ; le Bulletin du 26 septembre écrit : « Depuis quelques semaines paraît à Lisbonne un organe socialiste, qui s’appelle O Protesto (la Protestation). Nous lui souhaitons la bienvenue, et espérons qu’il contribuera au développement de l’organisation ouvrière parmi les travailleurs portugais. »


En Italie, le second des procès intentés aux socialistes à la suite des mouvements d’août 1874 fut celui des internationaux de Florence. Il dura du 30 juin au 30 août 1875, et se termina par la mise en liberté de tous les accusés, au nombre de trente-deux, parmi lesquels figuraient Gaetano Grassi, Francesco Natta, Aurelio Vannini. Garibaldi, cité comme témoin et autorisé à ne pas comparaître, à cause de son état de santé, répondit au magistrat qui alla l’interroger, à Cività-Vecchia, « qu’il était membre de l’Internationale, et que son opinion était que Mazzini aurait dû aussi adhérer à cette Association, s’il avait voulu suivre les indications du bon sens ».

Pendant que se jugeait le procès de Florence, la Cour de cassation annulait la sentence rendue le 8 mai contre les internationaux de Rome, et renvoyait la cause devant une section de la Cour d’assises de cette même ville (le nouveau procès eut lieu en mai 1876).

En même temps, sept accusés, parmi lesquels Errico Malatesta, comparaissaient, dans la seconde semaine d’août, devant la Cour d’assisses de Trani, qui les acquittait tous. Ce procès de Trani nous fut raconté par une lettre de Cafiero (Bulletin du 3 septembre), de laquelle j’extrais ce qui suit :

« Les débats durèrent cinq jours, et jamais la ville de Trani ne présenta un spectacle plus beau et plus émouvant que dans cette occasion. Toute la population s’intéressait vivement au procès, non seulement la partie instruite,... mais aussi ce qu’on appelle le « bas peuple », les souffrants et les opprimés... Le jury était composé des plus riches propriétaires de la province, et on avait déployé un grand appareil militaire... Le réquisitoire du ministère public fut ce qu’il est toujours, un tissu d’injures et de calomnies atroces. S’adressant aux jurés, l’organe du ministère public a dit ces propres paroles : « Si vous ne condamnez pas ces hommes, ils viendront un jour enlever vos femmes, violer vos filles, voler vos propriétés, détruire le fruit de vos sueurs, et vous resterez ruinés et misérables, avec le déshonneur au front ». Eh bien, malgré ces tirades ridicules par lesquelles on avait cherché à l’effrayer, le jury a rendu un verdict d’acquittement, et, après le jugement rendu, les jurés sont allés serrer la main aux accusés, et se sont mêlés à la foule qui a fait une véritable ovation aux socialistes à leur sortie de prison. Dans toute la ville, dans les réunions tant privées que publiques, nos amis ont été l’objet des plus cordiales démonstrations ; et, à en juger par les innombrables témoignages d’adhésion donnés à nos principes à cette occasion, nous devons conclure que dans la Pouille la propagande de l’Internationale a fait des pas de géant. Oh, que le gouvernement multiplie seulement les procès ! Ils pourront coûter à quelques-uns d’entre nous quelques années de prison, mais ils feront un bien immense à notre cause. »

Aussitôt qu’il eut recouvré la liberté, Malatesta prit le chemin de la Suisse, où il visita Cafiero à la Baronata, puis Bakounine à Lugano. Et ensuite, croyant,