Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/350

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Lioubavine fait toute l’histoire de ses rapports avec Bakounine à propos de la traduction russe du Kapital. Voici cette pièce :


Lettre de Lioubavine à Marx, 8/20 août 1872.

[[1] Lioubavine écrit qu’il a appris, par le correspondant pétersbourgeois de Marx, que Marx désirait obtenir en original la lettre qui fut écrite par Bakounine à lui, Lioubavine, au sujet de l’affaire de la traduction du Kapital, lettre qu’on rattachait à la lettre soi-disant de chantage envoyée par Netchaïef au nom du « Bureau » révolutionnaire. Lui, Lioubavine, a depuis longtemps réglé ses comptes avec Bakounine par les lettres grossières qu’il (Lioubavine) a écrites à celui-ci dans l’été de 1870 ; et s’il est néanmoins prêt à satisfaire au désir de Marx, c’est seulement parce qu’il croit Bakounine très nuisible, et qu’il espère que les circonstances qui se rattachent à la participation de Bakounine à la traduction du Kapital contribueront à le discréditer. D’ailleurs il ne s’exagère nullement la valeur probante de ces lettres. Il doit prévenir d’avance que les preuves qui se trouvent entre ses mains n’ont pas du tout cette force convaincante que peut-être Marx leur attribue. « Quoiqu’elles jettent une certaine ombre sur cette personne, elles sont insuffisantes pour sa condamnation. » Bakounine a causé déjà beaucoup de malheurs, mais a tout de même il conserve encore une certaine auréole aux yeux de l’Europe occidentale et de notre jeunesse inexpérimentée ; le discréditer, c’est donc contribuer au bien public ». Dans deux notes ajoutées à ce passage de la lettre, Lioubavine dit que récemment encore il a eu l’occasion de constater de quelle auréole est entourée la personnalité de Bakounine aux yeux de la jeunesse russe ; et il fait part qu’à Pétersbourg le bruit court que les voies de fait exercées sur Outine par des étudiants russes de Zürich ont eu lieu à l’instigation de Bakounine.

Ensuite l’écrivain continue ainsi :]

Conformément à votre désir, je joins à cette lettre la lettre du « Bureau », mais à condition que vous me la retournerez le plus tôt possible, après l’avoir utilisée pour votre dessein, car elle peut être utile ici aussi. En ce qui concerne la façon de s’en servir, vous vous trompez beaucoup en supposant que mes relations avec ce monsieur[2] étaient de nature exclusivement commerciale[3]. Par la publication de mes lettres à lui, il peut me causer de grands ennuis, et il me l’a même promis en termes très précis pour le cas où je permettrais à cette histoire de la traduction d’être ébruitée.

Pour rendre cette histoire claire pour vous, je dois vous raconter ce qui suit.

Me trouvant à Berlin en 1869, j’appris de feu mon ami Negrescul que Bakounine était dans un grand besoin et qu’il fallait lui venir en aide le plus tôt possible...[4] Je connaissais très peu Bakounine à ce moment, mais

  1. Les lignes placées entre crochets sont l’analyse donnée par Bernstein de la première partie de la lettre.
  2. Lioubavine parle évidemment de Netchaïef. (Note de la rédaction de Minouvchié Gody.)
  3. Voir le passage de la lettre de Marx du 15 août 1872 où celui-ci dit : « Comme c’est une affaire purement commerciale... » (P. 14 du présent volume.)
  4. Les points de suspension existent dans la lettre telle que l’a publiée Bernstein.