Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/391

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pour la propriété collective du capital, voulût maintenir la propriété individuelle pour les valeurs produites, les richesses. « Je trouve passablement métaphysique, disait P. R., la distinction entre le capital et les richesses. Que l’on propose les transitions que l’on voudra ; mais qu’on semble regarder comme un idéal le régime où l’accumulation égoïste des richesses sera autre chose qu’une folie à guérir, cela m’étonne... Ne peut-on pas dire que ce que les citoyens Malon et Favre appellent des richesses sont également des instruments de travail, destinés à produire d’autres richesses, le goût artistique, les connaissances scientifiques ? Méfions-nous des distinctions alambiquées. Il est de toute justice que les instruments de travail soient sans obstacles à la disposition de ceux qui peuvent s’en servir, que les produits du travail soient employés par ceux qui les ont créés. Mais il faut admettre aussi que ceux qui auront su établir le règne de cette justice auront en outre le bon sens de jouir en COMMUN du fruit de leurs travaux, et que l’on ne trouvera plus de fous ajoutant, au plaisir qu’ils goûtent, la satisfaction de savoir que les autres en sont privés. »

Malon se trouva blessé dans son amour-propre de la réponse que je lui avais faite. Quittant le ton patelin qui lui était habituel, pour prendre celui de la colère et de l’aigreur, il écrivit au Bulletin une lettre où il se plaignait d’avoir été « injurié ». J’insérai un résumé de sa lettre, en y joignant de nouvelles observations destinées à clore le débat. Voici l’article (n° 21) :


Nous avons reçu de B. Malon, en réponse aux observations dont nous avons fait suivre le travail adressé au meeting de Lausanne par lui et Joseph Favre, une lettre que nous aurions volontiers insérée, si elle eût été écrite en termes courtois. Le citoyen Malon, pour justifier le ton de sa réplique, prétend que nous lui avons dit des injures, des invectives et des gros mots : nos lecteurs ont pu juger si nous avons mérité ce reproche.

Nous nous faisons un devoir du reste de donner à nos lecteurs la substance de la lettre du citoyen Malon, en laissant de côté les sarcasmes, qui n’ajoutent rien à la valeur des arguments.

Le citoyen Malon affirme qu’il existe une différence entre certains socialistes qu’il appelle collectivistes, et d’autres qu’il appelle collectivistes anarchistes. À l’appui de son dire, il cite deux documents :

1° Le rapport présenté en 1874 au Congrès de Bruxelles par De Paepc, dans lequel le rapporteur s’exprime ainsi : « Le débat entre l’État ouvrier et l’anarchie reste ouvert » ;

2° Le rapport sur les services publics présenté au Congrès jurassien de Vevey en 1875, où on lit ces mots : « Il est manifeste que deux grands courants d’idées, en ce qui concerne la réorganisation sociale, vont se partager le monde socialiste ; l’un tendant à l’État ouvrier, l’autre à la Fédération des Communes ».

De ces deux passages, le citoyen Malon croit pouvoir conclure qu’il y a des collectivistes qui sont partisans de l’État ouvrier, et d’autres collectivistes, dits anarchistes, qui sont partisans de la Fédération des Communes.

Malon ajoute que la scission de 1872, à la Haye, était une scission « entre collectivistes ».

C’est là une appréciation tout à fait inexacte, et faite pour perpétuer la confusion à laquelle nous avions cherché à mettre un terme.

Comme c’est nous qui nous sommes servis pour la première fois, dans ce temps-là, du mot de collectivisme[1], et que nous l’avions adopté tout exprès

  1. Voir tome Ier, pages 224 et 258.