Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/414

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de la liberté, de toutes les fractions du parti socialiste des deux mondes. Comme le marquèrent tout particulièrement les amis de Bakounine, ce n’est pas d’un baiser Lamourette donné dans un moment d’effusion et oublié le lendemain, ni d’une conciliation de dupes où une opinion s’effacerait devant une autre, qu’il s’agit ici : il doit être laissé à chaque groupe pleine liberté d’action et de propagande ; seulement de cette action et de cette propagande doivent être exclues les récriminations personnelles entre hommes qui au fond poursuivent le même but, les suspicions injustes, les insultes et les calomnies, qui ne font que déshonorer ceux qui les lancent. Il y a dans les statuts généraux de l’Internationale, revisés en 1873 par le Congrès de Genève, un article (l’art. 3) qui dit :

« Les fédérations et sections conservent leur complète autonomie, c’est-à-dire le droit de s’organiser selon leur volonté, d’administrer leurs propres affaires sans aucune ingérence extérieure, et de déterminer elles-mêmes la marche qu’elles entendent suivre pour arriver à l’émancipation du travail. »

C’est sur un terrain semblable, seulement, qu’un rapprochement est possible entre deux ou plusieurs organisations diverses, dont chacune suit la voie qu’elle croit la bonne, et qu’il serait chimérique de vouloir essayer de nouveau de fondre en une organisation unique et centralisée.

Une résolution exprimant les idées échangées de part et d’autre dans cette importante réunion a été votée à l’unanimité ; la voici :

« Considérant que nos ennemis communs nous poursuivent de la même haine et de la même fureur d’extermination ; que l’existence de divisions au sein des partisans de l’émancipation des travailleurs est une preuve de faiblesse nuisant à l’avènement de cette émancipation,

« Les travailleurs réunis à Berne à l’occasion de la mort de Michel Bakounine, et appartenant à cinq nations différentes, les uns partisans de l’État ouvrier, les autres partisans de la libre fédération des groupes de producteurs, pensent qu’une réconciliation est non seulement très utile, très désirable, mais encore très facile, sur le terrain des principes de l’Internationale tels qu’ils sont formulés à l’article 3 des statuts généraux revisés au Congrès de Genève de 1873.

« En conséquence, l’assemblée réunie à Berne propose à tous les travailleurs d’oublier de vaines et fâcheuses dissensions passées, et de s’unir plus étroitement sur la base de la reconnaissance des principes énoncés à l’article 3 des statuts mentionnés ci-dessus. »

Nous espérons que l’idée d’un rapprochement fraternel entre les différentes organisations socialistes ne restera pas à l’état de simple vœu, et que la voix de ceux qui, sur la tombe de Bakounine, ont déclaré abjurer toute rancune et tout grief personnels, sera enfin entendue.


Le Bulletin du 9 juillet publia en supplément une notice biographique sur Michel Bakounine, que j’avais écrite à la hâte : pour la période antérieure à 1849, je ne possédais que des renseignements incomplets ; aussi cette notice présente-t-elle plusieurs erreurs[1]. Elle est précédée d’un portrait de Bakou-

  1. En 1906, j’ai rédigé, pour la revue russe Byloé, une notice beaucoup plus complète, et que je crois ne pas contenir d’inexactitudes. Elle a été reproduite en tête du tome II des Œuvres de Bakounine (Paris, Stock, 1907).