Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/430

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l’Internationale, le préambule contenait cette phrase significative : « Le mouvement qui reparaît parmi les ouvriers des pays les plus industrieux de l’Europe, en faisant naître de nouvelles espérances, donne un solennel avertissement de ne pas retomber dans les vieilles erreurs, et conseille de combiner tous les efforts encore isolés ». La situation est aujourd’hui la même qu’alors, et ces paroles n’ont rien perdu de leur actualité. Un mouvement nouveau, un réveil plein d’ardeur s’opère parmi les ouvriers des principaux pays d’Europe. Ne retombons pas dans les vieilles erreurs ; unissons nos efforts à travers les frontières, et constituons un faisceau puissant, qui nous permettra de triompher un jour de nos oppresseurs, de la réaction monarchique et républicaine bourgeoise, qui déjà s’effraie aux approches de ce nouveau printemps révolutionnaire.


Le groupe de socialistes de langue allemande qui, à Berne, avait constitué le Sozialdemokratischer Verein, décida, sous l’impulsion de Brousse, de publier un journal qui fît, parmi les ouvriers de la Suisse allemande, la propagande des principes de la Fédération jurassienne. Ce journal, dont les principaux rédacteurs furent, avec Brousse, le typographe Émile Werner (qui traduisait les articles de Brousse en allemand), l’étudiant Kachelhofer, et parfois aussi Auguste Reinsdorf, s’appela l’Arbeiter-Zeitung : son premier numéro parut le 15 juillet 1876. Il fut mal accueilli par la Tagwacht. Quant au Bulletin, il lui souhaita la bienvenue dans l’article suivant :


Il vient de paraître à Berne un nouveau journal socialiste de langue allemande; il s’appelle Arbeiter-Zeitung (Journal des ouvriers). Nous lui souhaitons la bienvenue avec d’autant plus de plaisir que ce journal pose la question sociale d’une manière tout à fait carrée, et se prononce franchement pour la solution révolutionnaire.

La rédaction de la Tagwacht, par contre, a vu de mauvais œil que des socialistes se permissent de tenir aux ouvriers allemands un langage différent de celui auquel les ont habitués les prôneurs de la politique légale. Elle déclare que l’Arbeiter-Zeitung n’est qu’une édition allemande de notre Bulletin, et elle lui fait la guerre à propos de son article-programme.

Ce sera l’affaire de l’Arbeiter-Zeitung de répondre sur la question du programme ; mais quant à cette affirmation de la Tagwacht que le journal des socialistes de Berne ne serait qu’une édition allemande du Bulletin, elle n’a pas de sens ; en effet, si le Bulletin salue avec plaisir l’apparition d’un organe ouvrier qui défend le même programme que lui, il doit cependant reconnaître que cet organe a été la création d’un groupe parfaitement indépendant, et que nous ne croyons point disposé à s’inféoder à la rédaction d’un journal quelconque.

À ce propos, la Tagwacht croit bien faire de réchauffer les vieilles histoires de bakounisme. Elle engage ses lecteurs à relire et à méditer la brochure d’Engels contre la Fédération espagnole, Die Bakunisten an der Arbeit, et celle de Marx, Ein Complott gegen die Internationale. Il est naturel que des gens qui étudient l’histoire contemporaine dans ces tristes pamphlets, et qui acceptent comme paroles d’Évangile les mensonges dont ils fourmillent, ne se trouvent pas bien disposés à tendre ensuite la main de la conciliation à ceux qu’on leur a appris à regarder comme des mouchards ou des idiots.