Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/447

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Notre correspondant d’Angleterre nous exprimait le même dégoût tant au sujet des manœuvres de Gladstone contre Disraeli (tout récemment créé Lord Beaconsfield) que du langage tenu par le premier ministre en réponse aux accusations des libéraux. « M. Gladstone cesse un moment de brochurer pour soutenir l’Église établie, et vient taper à coups de Turcs sur les conservateurs. À quoi Lord Beaconsfield répond par les flots d’une éloquence non moins pompeuse, en faisant intervenir les sujets mahométans de l’Inde anglaise et leurs sympathies pour le sultan… Les faiseurs ont organisé partout des meetings populaires, qui votent des résolutions, font des pétitions, et reçoivent en échange de l’eau bénite de cour. Le prix de niaiserie est mérité par la Ligue ouvrière de la paix, dont l’ex-membre du Conseil général Lucraft est l’âme. Elle veut que le gouvernement agisse par son influence morale, mais surtout se garde bien d’employer la force. La paix à tout prix ! »

À propos du Congrès annuel des Trade Unions, le même correspondant nous écrivait (Bulletin du 8 octobre) : « J’ai vraiment peu d’inclination à vous donner, comme les années précédentes, un compte-rendu de ce Congrès. Les officers (fonctionnaires) des Trade Unions en sont arrivés à la formation d’un petit gouvernement assez régulier, leur Comité parlementaire, lequel se trouve en termes fort passables avec le gouvernement légal du pays. Tous deux sont habiles à tempérer les exigences prématurées, et à donner à la marche du progrès la lenteur qu’ils jugent utile à leur sécurité. Ainsi les trois-quarts du Congrès se passent en compliments, et l’autre quart ne contient que l’aimable expression de l’espérance que le ministre tel ou tel voudra bien donner à telle ou telle loi le développement que ses promesses antérieures permettent d’attendre. Le Comité parlementaire aura une douzaine d’occasions d’aller faire visite à un ministre ; ils feront mutuellement échange de compliments sur leurs bonnes manières, et l’on se séparera réciproquement enchanté. »


En Allemagne, le Congrès de Gotha se réunit du 19 au 23 août, avec un ordre du jour dont les points principaux étaient : « Rapport sur l’activité des députés au Reichstag ; les prochaines élections au Reichstag, désignation des candidats socialistes ; l’organisation socialiste en Allemagne ». Le Congrès comptait 101 délégués, représentant 284 localités et 37,774 votants. Il fut décidé que les deux organes officiels du parti, le Neuer Sozial-Demokrat et le Volksstaat, seraient remplacés par un organe unique, qui prendrait le titre de Vorwärts (« En avant »), et qui paraîtrait à Leipzig ; les rédacteurs, élus par le Congrès, furent Hasenclever et Liebknecht. Le Comité central du parti fut placé à Hambourg, et composé de Derossi, Auer, Geib, Hartmann et Braasch.

Le Congrès décida, à la suite de l’initiative prise par les socialistes de Lausanne (voir pages 55-56), de publier une brochure dont le produit serait remis aux ouvriers français pour leur faciliter l’impression des rapports des délégués envoyés par eux à l’Exposition de Philadelphie. Cette brochure parut en effet en novembre à Leipzig, sous le titre : Für die französischen Brader (« Pour les frères français »).

Il faut noter en outre une décision du Congrès reconnaissant qu’en Alsace-Lorraine, c’était aux ouvriers du pays à déterminer eux-mêmes l’attitude qu’ils entendaient prendre au sujet des élections, soit qu’ils voulussent mettre en avant des Candidatures socialistes, soit qu’ils préférassent s’abstenir.

Le procès verbal officiel du Congrès rend compte en ces termes de l’accueil qui fut fait à l’Adresse de la Fédération jurassienne, dont Liebknecht donna lecture dans la séance du 21 août au matin, séance où furent aussi lues d’autres adresses envoyées de Portugal, de Belgique et d’Angleterre :

« L’Adresse votée par le Congrès jurassien, tenu à la Chaux-de-Fonds le 7 août, exprime le regret des divisions qui ont régné jusqu’à présent entre les ouvriers des divers pays, et la satisfaction produite par l’heureuse réussite de l’union des ouvriers allemands ; elle parle de la nécessité d’oublier les discordes passées et de grouper toutes les forces pour atteindre le but commun.

« Bebel prend alors la parole et s’exprime ainsi : C’est un symptôme réjouissant que de voir les ouvriers de tous les pays civilisés profiter de l’occasion