Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/459

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Le but de cette Association était clairement défini dans les statuts provisoires, dus à la plume de Karl Marx, et que le Conseil général de Londres publia cette même année.

Il y était dit que « l’assujettissement économique du travailleur aux détenteurs des moyens de travail est la cause première de sa servitude politique, morale et matérielle », et que « l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».

Le problème social était donc nettement posé : il ne s’agissait plus seulement d’un mouvement politique, destiné à remplacer une forme de gouvernement par une autre forme de gouvernement, la monarchie par la république ; il s’agissait de mieux que cela, d’une grande transformation sociale, qui devait arracher à la bourgeoisie le monopole de la possession du capital, et mettre ce capital (terre, instruments de travail, etc.) à la disposition du travailleur.

Mais plusieurs années devaient s’écouler avant que le prolétariat eût pris conscience des moyens par lesquels ce problème, si bien posé, devait être résolu.

[L’article indique ensuite comment les mutuellistes français préconisèrent d’abord le crédit gratuit par la mutualité ; comment l’idée de la propriété collective s’affirma pour la première fois en 1867, au Congrès de Lausanne, puis fut discutée, en 1868, au Congrès de Bruxelles ; comment enfin, en 1869, au Congrès de Bâle, elle réunit la presque unanimité des suffrages ; et le Bulletin termine ainsi : ]

Dès lors, le grand mouvement d’idées qui s’était fait depuis 1864 au sein de l’Internationale avait abouti à une formule claire : on savait à quelle condition les travailleurs peuvent obtenir leur émancipation.

Les années qui suivirent furent remplies de graves événements, qui parurent suspendre la marche de l’Internationale, et qui même, en contribuant à rendre plus aiguë la division qui éclata alors dans son sein, semblèrent la condamner à périr, plus encore par ses propres déchirements que par les persécutions que les gouvernements déchaînèrent contre elle après la défaite de la Commune de Paris.

Mais ces événements apportèrent aux socialistes un grand enseignement, en mettant en relief avec puissance une idée nouvelle, celle de l’autonomie des groupes, de la fédération des communes, de la suppression de l’autorité gouvernementale. Cette idée fit promptement son chemin, et devint le complément du principe voté au Congrès de Bâle, la propriété collective ; ensorte que, dès ce moment, la forme que les socialistes rêvèrent pour la société humaine, ce fut une libre fédération de groupes producteurs, d’associations industrielles et agricoles, basées sur la propriété collective, sans frontières et sans gouvernements.

Tel est aujourd’hui le programme que l’Internationale propage dans les masses, programme qui — malgré des dissidences sur des points de détail, dissidences se réduisant souvent à de simples questions de mots — est de plus en plus accepté par tous ceux qui s’occupent sérieusement de chercher les moyens d’améliorer le sort des travailleurs.

Le Bulletin de la Fédération jurassienne de l’Internationale se consacre à la propagande de ces principes, que l’Association dont il est un organe