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Dans les premiers jours qui suivirent le Congrès de la Haye, le Conseil fédéral anglais vota un blâme à Karl Marx, pour avoir dit au Congrès, lors du débat sur les mandats, que « tous ceux qu’on appelle les leaders du mouvement ouvrier en Angleterre sont des hommes vendus à Gladstone et à d’autres politiciens bourgeois ». En racontant cet incident à Sorge, Engels écrit (lettre du 21 septembre 1872) : « Ces gaillards-là, Hales, Mottershead, Eccarius, etc., sont furieux parce qu’on leur a retiré des mains le Conseil général ». Cette assertion d’Engels est manifestement fausse, car tous avaient insisté pour que le Conseil général ne fût plus à Londres (voir t. II, p. 326).

Marx et Engels essayèrent d’obtenir que les Sections anglaises désavouassent le Conseil fédéral ; mais ils eurent beau faire agir leurs quelques fidèles, la grande majorité se rangea du côté du Conseil. Une lettre adressée, le 21 octobre 1872, par John Hales, secrétaire correspondant du Conseil fédéral anglais, au Conseil fédéral belge, à l’occasion de différentes grèves à Londres et à Liverpool, — lettre publiée par le journal l’Internationale, — fit connaître sur le continent l’attitude que les Sections anglaises venaient de prendre à l’égard des autoritaires ; Hales écrivait :


J’ai l’avantage de vous informer que le Conseil fédéral anglais a pris la résolution de correspondre directement avec toutes les Fédérations de l’Association, et d’échanger ses journaux avec les leurs. En conséquence, je vous enverrai directement l’International Herald, et je serai heureux de recevoir en échange quelquefois des lettres de vous, et de coopérer avec vous, de quelque manière que ce soit, à l’avancement de la cause pour laquelle nous travaillons...

Maintenant que le Conseil général n’est plus ici, je puis affirmer que nous allons faire plus de progrès que nous n’en aurions pu faire s’il était resté près de nous. L’autorité que le Conseil général avait concentrée dans ses mains d’une manière si fatale avait paralysé le mouvement en Angleterre. À présent, nos fers sont brisés, et j’espère qu’avant le prochain Congrès le mouvement anglais sera digne d’être cité à la tête de l’armée du travail.


Dans les premiers jours de novembre, les blanquistes, brouillés avec Marx depuis le tour que celui-ci leur avait joué à la Haye (voir t. II, p. 343), publièrent à Londres une brochure, rédigée par Vaillant, intitulée Internationale et Révolution, pour expliquer les raisons qui les avaient fait se séparer de la coterie marxiste. Notre Bulletin apprécia en ces termes cette manifestation :


Les Jacobins s’en vont.

Les citoyens Ranvier, Vaillant et quelques autres délégués au Congrès de la Haye, qui y ont voté avec la majorité, viennent de publier une brochure dans laquelle ils annoncent qu’ils se retirent de l’Internationale.

Ces citoyens sont des jacobins, des politiques autoritaires ; c’est dire qu’il n’y a rien de commun entre leur manière de concevoir la révolution et la nôtre. Et cependant ils portent sur Karl Marx et le Congrès de la Haye un jugement aussi sévère que celui de la minorité socialiste fédéraliste.