Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/49

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ayant été relâchés déjà au bout de quinze jours, et Bignami seul ayant été gardé en prison pendant six semaines. »

Sur l’Espagne, voici ce qu’on trouve dans les lettres d’Engels :

Du 31 octobre 1872: « Il n’y a en Espagne que deux fédérations locales qui reconnaissent franchement et entièrement les décisions du Congrès de la Haye et le nouveau Conseil général ; la Nouvelle fédération madrilène[1], et la fédération d’Alcalá de Hénarès... L’organe de la Nouvelle fédération madrilène, la Emancipacion, est peut-être le meilleur journal que possède l’Internationale tout entière. Son rédacteur actuel, José Mesa, est incontestablement l’homme le plus important parmi les nôtres en Espagne, tant par le caractère que par le talent, et c’est véritablement un des meilleurs dans l’Internationale entière. J’ai envoyé à la Emancipacion un rapport sur le Congrès, et d’autres articles, et je continuerai à faire de même, car Mesa, malgré son étonnante énergie, ne peut pas tout faire à lui seul. » Le 10 novembre, Engels, optimiste, annonce que l’Espagne, qui avait semblé perdue, sera bientôt reconquise : « Les fédérations de Gracia (100 membres), de Tolède (200 membres), de Cadalona et de Dénia près Barcelone, se sont prononcées pour nous. À Valencia, une forte fraction de la fédération locale nous appartient, de même à Cadix. La vente de la Emancipacion — qui était en train de mourir et que nous maintenons en vie par de l’argent envoyé d’ici — a beaucoup augmenté (à Cadix, Valencia et Gracia 150 exemplaires)... Les choses vont bien ; au pis aller, nous conserverons en Espagne une très respectable minorité, qui se séparera des autres ;... et tout cela nous le devons à l’énergie du seul Mesa, qui a dû tout exécuter à lui seul. Mora est faible, et a été un moment vacillant. » — Du 7 décembre : « Le Conseil fédéral espagnol a convoqué pour le 25 décembre un Congrès régional à Cordoue, qui aura pour ordre du jour de choisir entre les décisions de la Haye et celles de Saint-Imier. La Nouvelle fédération madrilène vient de déclarer qu’en agissant ainsi, le Conseil fédéral a violé les statuts généraux et les statuts espagnols, et qu’il est en conséquence déchu de son mandat ; et elle invite les autres fédérations locales à élire un nouveau Conseil fédéral provisoire. Cette démarche décisive va mettre de la clarté dans la situation. Toutefois, une partie de nos gens en Espagne — spécialement les ouvriers catalans — sont d’avis de prendre part au Congrès de Cordoue ; ceux-là ne se rallieront donc pas à nous pour le moment. Les alliancistes précipitent les choses, dans l’espoir d’avoir la majorité à Cordoue, et ils y réussiront probablement ; alors les Catalans passeront formellement de notre côté. » L’événement, hélas ! devait apporter à Engels une cruelle déception.

En France, les choses ne marchaient pas à souhait :

Du 16 novembre : « À mon avis, vous devez absolument envoyer à Serraillier des pleins-pouvoirs pour la France. Une correspondance de ce genre ne peut pas du tout être conduite d’Amérique ; seulement il faut lui imposer la condition de vous envoyer un rapport tous les mois. Vous n’en trouverez pas de meilleur que lui. Dupont est trop négligent, si on ne le secoue pas tous les jours, et il se passe souvent une quinzaine sans que nous le voyions. » — Du 7 décembre : « Malgré les intrigues des Jurassiens et des blanquistes, les choses vont bien dans le Midi ; il s’y réunira ces jours-ci un Congrès, qui reconnaîtra les décisions de la Haye et qui votera probablement une adresse au Conseil général. Mais les gens demandent qu’il y ait ici quelqu’un muni de pleins-pouvoirs, avec la faculté de déléguer à d’autres, en France, des pleins-pouvoirs temporaires[2]. » — Du 7 décembre : « Les pleins-pouvoirs pour Serrailler, pour la

  1. C’est la fédération composée de neuf membres qu’avait fondée Lafargue.
  2. À ce passage de la lettre d’Engels, Sorge a ajouté une note explicative ainsi conçue : « Il s’était constitué dans le Conseil général de New York une sorte de fronde de mécontents, qui en voulaient à l’ancien Conseil général, parce que celui-ci gardait par devers lui les papiers relatifs à l’Internationale, et à Sorge à cause de ses relations avec l’ancien Conseil. Cette fronde faisait traîner les choses en longueur, et réussissait à faire différer toutes les mesures contre les Fédérations renitentes, ainsi que l’envoi des pleins-pouvoirs. C’était particulièrement Bolte et Carl qui menaient ces mécontents. » On voit que le pauvre Sorge n’était pas sur un lit de roses.