Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/50

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France, sont absolument nécessaires, si vous ne voulez pas que tout périclite. Serraillier continue assidûment sa correspondance, et nous lui envoyons de l’argent pour cela ; mais il n’est qu’un simple particulier, tant qu’il n’a pas les pleins-pouvoirs, et les gens en France, malgré toute leur autonomie, veulent être dirigés par un représentant du Conseil général. » — Du 14 décembre : « Les pleins-pouvoirs pour Serraillier sont chaque jour plus nécessaires. Les Jurassiens ici, les blanquistes là, minent le terrain (wühlen) dans toute la France et font des progrès, et Serraillier ne reçoit déjà plus de réponses de différentes sections, parce qu’il ne peut écrire que comme simple particulier. Si vous différez encore, la France sera presque entièrement perdue pour nous, et au prochain Congrès la majorité aura passé de l’autre côté (und auf dem nächsten Kongress wird der Spiess umgekehrt). »

En Angleterre, la situation devenait de plus en plus fâcheuse pour les marxistes, et Engels le constatait (lettre à Sorge du 10 novembre) : « Par la mollesse des meilleurs parmi les Anglais, Hales et Mottershead ont réussi à s’emparer complètement du Conseil fédéral. Une masse de délégués de sections imaginaires[1] ont assuré momentanément à Hales la majorité ; il est secrétaire et caissier en une seule personne, et fait tout ce qu’il veut, comme le montre le compte rendu publié dans l’International Herald d’aujourd’hui. La seule chose que nous puissions faire, c’est de maintenir groupés les meilleurs éléments, jusqu’à ce que ces coquins se prennent mutuellement aux cheveux, ce qui ne manquera pas d’arriver bientôt. Give them rope enough, and they will hang themselves[2]. »

La lettre suivante, adressée par John Hales au Comité fédéral jurassien, et publiée dans le Bulletin, montrera qu’Engels avait en effet de quoi n’être pas content :


Association internationale des travailleurs.
Conseil fédéral anglais.

Londres, le 6 novembre 1872.

Au Comité fédéral de la Fédération jurassienne.

Chers citoyens,

Je viens vous accuser réception des exemplaires de votre Bulletin contenant le compte-rendu du Congrès de la Haye et les résolutions adoptées au Congrès que vous avez tenu à Saint-Imier. Conformément à votre demande, nous en avons envoyé un exemplaire à chacune de nos sections, en les accompagnant de quelques remarques de notre part. Jusqu’à présent aucune décision n’a été prise à l’égard des résolutions de Saint-Imier, les membres de notre Conseil fédéral étant en faveur d’une politique expectante. En attendant, nous nous organisons solidement pour être prêts en toute occurrence.

Nous combattrons aussi énergiquement que vous-mêmes pour le principe fédératif et l’autonomie des sections, mais en même temps nous ne sommes pas d’accord avec vos idées sur la politique. Nous croyons complètement à l’utilité de l’action politique, et je crois que chaque membre de notre Fédération en est persuadé ; car nous avons obtenu quelques-uns de nos meilleurs résultats par les concessions et les craintes des classes pos-

  1. On sait que les assertions d’Engels sont sujettes à caution.
  2. « Qu’on leur donne assez de corde, et ils iront se pendre. »