Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/526

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pour économiser un port, le projet ci-joint de discours pour le 1er mars à Spichiger ; vous en discuterez avec lui et les amis. Je suis fort curieux de voir ce que produira la fête du 1er mars ; toutefois je n’en attends pas beaucoup ; tout au plus arriverons-nous à forcer le National Suisse à parler enfin des socialistes. » Je me trompais en n’attendant que peu de chose de cette intervention d’un socialiste dans une fête officielle, devant un auditoire de trois mille personnes : l’effet produit fut considérable ; voici comment en rendit compte le correspondant du Bulletin :


La première partie de la réunion n’a rien offert de remarquable. Les toasts habituels ont été portés par les orateurs ordinaires du parti radical : M. Henri Morel[1] substitut du procureur général, a bu à la République et à la patrie ; M. Vuithier, avocat, a porté le toast aux autorités fédérales ; M. Forestier, juge d’instruction, le toast aux autorités cantonales et municipales ; M. Soguet, le toast aux autorités scolaires. La musique et les chœurs alternaient avec les harangues patriotiques. C’est à ce moment que le compagnon Spichiger, ouvrier guillocheur, a demandé la parole ; et on peut dire, sans exagérer, que son discours a été l’événement de la journée. Dès qu’on l’a entendu prononcer le mot de socialisme, il s’est fait un grand silence, chose qui n’avait pas eu lieu pour les orateurs précédents, qui parlaient au milieu du bruit ; des applaudissements ont éclaté à diverses reprises, et l’impression paraît avoir été considérable sur une partie du public.

Le National suisse, organe des radicaux, a immédiatement demandé une copie du discours de Spichiger pour l’imprimer, et nous n’avons pas cru devoir refuser ; plus le discours recevra de publicité, et mieux cela vaudra pour nous.

Ce soir, on ne parle que de cela dans les cafés, et l’expérience a montré que la tactique que nous avons adoptée est bonne : puisque les radicaux ne veulent pas venir à nos assemblées, nous irons dans les leurs, et nous démolirons sous les yeux de leurs propres partisans leurs théories politiques et économiques[2].


J’achève ici ce qu’il faut dire au sujet des conférences.

À Saint-Imier, Brousse, venu de Berne, fit le samedi 17 février une conférence sur « la propriété », et montra la nécessité de la propriété collective aussi bien pour les objets de consommation que pour les instruments de production, terre et machines. « Une fois la nécessité de la propriété collective établie, — écrit le correspondant du Bulletin, — le conférencier passe en revue les arguments bourgeois en faveur de la propriété individuelle, et indique par quels arguments Proudhon les a réduits à néant. Il touche ensuite à l’organisation anti-étatiste de la propriété collective, et, passant en revue les moyens de détruire la propriété individuelle pour arriver à la propriété collective, il ne reconnaît qu’un moyen sérieusement pratique, la révolution sociale. »

Le 5 février avait eu lieu une assemblée générale de la nouvelle fédération

  1. L’ancien rédacteur du Diogène : voir t. Ier, p. 28.
  2. Le National suisse publia in-extenso le discours lu par Spichiger : « mais, tandis qu’il avait généreusement émaillé le texte des harangues officielles de nombreuses indications d’applaudissements, il s’abstint complètement de faire remarquer que le discours de Spichiger avait été applaudi ; ce détail est caractéristique » (Bulletin). Le Bulletin imprima le discours dans son numéro du 11 mars. Je ne puis le reproduire ici, à cause de sa longueur, mais je me permets d’émettre cet avis : c’est qu’il serait très à propos qu’un camarade de la Chaux-de-Fonds fît une nouvelle lecture publique de ce discours dans une des prochaines fêtes du 1er mars.